La crise sanitaire, et, dernièrement, le scandale Orpéa, ont révélé les difficultés voire parfois les dysfonctionnements des Ehpad. C’est pour répondre à cette problématique que l’Académie nationale de médecine a publié en janvier un rapport qui dessine des solutions pour construire l’Ehpad de demain. Des propositions inspirées d’un groupe de travail qui a procédé à des auditions d’experts entre novembre 2020 et mai 2021.
Premier constat des académiciens : le personnel des Ehpad a été confronté durant la pandémie aux pathologies infectieuses aiguës sévères des résidents, ce qui a « favorisé les arrêts de travail ». Mais l'absentéisme est aussi lié à d’autres facteurs, selon eux : manque de temps attribué à chaque soin, quota soignants-résidents insuffisant, rémunération peu attractive, absence de plan de carrière des personnels, rappel fréquent du personnel en vacances pour combler des absences ou encore formation insuffisante pour gérer des situations complexes.
Isolement et restriction du lien social
Dans nombre d’établissements, la crise sanitaire a également participé à créer une « véritable maltraitance institutionnelle », puisque des plans d’isolement strict ont été mis en place « avec un fonctionnement en vase clos sans aucun contact avec les professionnels extérieurs (kiné, IDE, médecin) et avec les bénévoles », déplore l'Académie. Ces mesures contraignantes ont eu « des effets délétères » sur la santé des résidents, notamment ceux ayant eu au préalable des troubles cognitifs.
Les mesures de restriction du lien social - en particulier l'interdiction de visite même pour les résidents en fin de vie - ont également aggravé les souffrances des familles des résidents. Au final, « le sanitaire a pris l’ascendant sur le médico-social, le « cure » (la technique) a submergé le « care » (les soins) », estiment les académiciens.
D’autre part, la pandémie a aussi provoqué « l’interruption de la prévention ciblée » des résidents, ce qui a eu un effet négatif sur leur qualité de vie. Et de citer l’exemple des personnes atteintes de troubles neurocognitifs, pour qui les interventions non médicamenteuses sont préconisées en première intention afin de réduire l'utilisation des neuroleptiques et des contentions physiques. Un exemple qui illustre, selon l'Académie, les difficultés de collaboration entre les généralistes et les médecins coordonnateurs, favorisés par « les obligations et les priorités » des premiers. « Des manques de concertation importants ont pu être observés au moment de la pandémie comme le refus de se déplacer au moment de la crise COVID-19 en raison du risque de contamination » observent encore les Académiciens.
Manque de coordination entre généraliste et médecin coordonnateur
Pour remédier à ces dysfonctionnements, les académiciens proposent de donner un rôle accru au médecin coordonnateur, afin de « rendre effective la médicalisation des Ehpad ». Si celui-ci est plus impliqué, il pourra « limiter les effets secondaires des médicaments et l’iatrogénie », mais aussi jouer « un rôle premier » dans les « réévaluations des ordonnances et dans les actes de prévention », poursuit le rapport. Et d’ajouter qu’il existe des domaines particuliers à la gériatrie où le rôle dans la prescription du médecin coordonnateur pourrait être étendu : prise d’antibiotique pour limiter certains risques nosocomiaux et réduire la résistance aux antibiotiques (cystite asymptomatique…), prise de psychotropes pour les résidents souffrants de troubles neurocognitifs majeurs, etc.
De même, en fonction des indicateurs de charge en soins, ils insistent sur la « nécessité absolue de budgétiser une infirmière de nuit. » Enfin, ils invitent à « valoriser fortement la formation de tout le personnel » en priorité les métiers d'aides-soignants et à tendre vers un ratio de personnel soignant identique quel que soit le secteur (public, privé ou associatif).
Finalement, la première recommandation de l'Académie au sujet des Ehpad est de « favoriser toutes les actions possibles » pour éviter... d'y recourir : prévention de la perte de l'autonomie, évaluation gérontologique à la retraite ou aménagement du domicile.
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