Le délai moyen du diagnostic de l’endométriose est encore aujourd’hui de 7 ans. Considérée comme une véritable maladie chronique, l’endométriose entraîne une altération de la qualité de vie qui est bien objectivée par les échelles d’évaluation. Une étude menée aux Pays-Bas sur plus de 3 000 femmes montre ainsi que 60 % d’entre elles souffrent de dysménorrhée, la moitié se plaint de dyspareunie et parmi elles, 64 % ont renoncé à toute vie sexuelle ; les trois quarts des patientes rapportent des difficultés conjugales. La maladie est par ailleurs à l’origine d’arrêts de travail à répétition pour 10 % des femmes de cette étude.
Le consensus de Montpellier.
Le congrès de Montpellier s’est conclu par la définition d’un consensus, état des lieux des connaissances actuelles sur l’endométriose qui sera révisé dans trois ans lors du prochain congrès qui se tiendra au Brésil.
Sur le plan physiopathologique, la théorie, établie en 1927, du reflux menstruel avec implantation ectopique de cellules endométriales reste valable. Même si cela doit encore être confirmé, il existe dans l’endométriose des perturbations du système immunitaire. Les douleurs de l’endométriose semblent s’intégrer dans un syndrome algique plus général pouvant associer le syndrome du colon irritable, la fibromyalgie, la migraine, le syndrome de fatigue chronique, avec une sensibilisation du système nerveux central à la douleur. Le rôle de facteurs génétiques fait aussi l’objet de nombreuses études avec une implication possible du chromosome 7. Sont également évoquées l’intervention de facteurs épigénétiques ainsi que celle de facteurs environnementaux, notamment les dérivés organochlorés et la dioxine, mais sans aucune preuve épidémiologique à ce jour.
Sur le plan diagnostique, un des challenges est de définir une méthode non invasive, sachant que les éléments de l’examen clinique et de l’interrogatoire sont peu spécifiques et peu sensibles et que les données de l’imagerie, qui sont utiles pour le diagnostic de l’endométriose profonde, sont peu contributives pour celui de l’endométriose superficielle. Une étude très préliminaire portant sur un nombre restreint de femmes suggérerait l’intérêt de la cytokératine urinaire comme marqueur possible de la maladie.
Concernant l’endométriose chez l’adolescente, le consensus a établi que le diagnostic devait être évoqué chez les jeunes filles dont les règles douloureuses ne sont pas soulagées par une association de pilule et d’anti-inflammatoires. Une cœlioscopie peut alors être indiquée. En cas de diagnostic positif, le traitement repose sur une pilule œstroprogestative donnée en continu pour supprimer les règles.
La responsabilité de l’endométriose dans l’infertilité est aujourd’hui parfaitement établie. L’infertilité est d’origine mécanique dans les endométrioses les plus sévères et procède d’un processus essentiellement inflammatoire dans les endométrioses plus minimes. Le traitement chirurgical de l’endométriose majore significativement les chances de grossesse. La chirurgie de l’endométriome devrait être maintenant encadrée par une évaluation précise pré et postopératoire de la réserve ovarienne.
Vers une approche plus globale de la douleur.
Les liens entre endométriose et douleur ont fait notamment l’objet d’une étude nord-américaine qui a montré en IRM fonctionnelle que les zones cérébrales activées en cas de douleur chez les femmes atteintes d’endométriose étaient différentes de celles de femmes contrôles, présentant des douleurs d’autres causes ou indemnes de douleur. Cette première approche « centrale » de la douleur de l’endométriose demande à être confirmée, mais elle suggère qu’une prise en charge exclusivement périphérique de la douleur, par la chirurgie ou le traitement hormonal, peut être mise en échec chez certaines femmes et plaide pour un abord plus global du syndrome douloureux. On sait par ailleurs qu’il n’existe pas de lien direct entre l’intensité de la douleur et la sévérité des lésions d’endométriose et que les patientes sont d’autant plus douloureuses qu’elles ont été sensibilisées à la douleur. Le traitement chirurgical a une efficacité réelle sur la douleur avec toutefois un risque de récidive et de complications liées à la localisation des lésions d’endométriose profonde dont les patientes doivent être informées.
Le traitement médical a fait la preuve de son efficacité sur les douleurs. Il ne doit pas être prescrit aux femmes ayant un désir de grossesse.
Diverses thérapies complémentaires ont été évaluées. L’acupuncture semble avoir une certaine efficacité sous réserve d’une utilisation itérative. Les manipulations, les suppléments alimentaires et les thérapies comportementales pourraient avoir un intérêt, mais l’on ne dispose à ce jour d’aucune preuve scientifique de leur efficacité qui permettrait de les recommander. De même, aucun des nombreux médicaments testés (antiangiogéniques, immunomodulateurs, inhibiteurs de l’aromatase...) ne semble avoir un impact sur la maladie. Le consensus demande que les études à venir soient fondées sur une méthodologie rigoureuse avec une plus grande transparence sur les résultats.
Tous les spécialistes s’accordent aujourd’hui à souligner la nécessité absolue de mettre en place des centres de référence où les femmes atteintes d’endométriose pourraient bénéficier d’une prise en charge pluridisciplinaire (gynécologues, spécialistes de la douleur, psychologues, chirurgiens, spécialistes de la reproduction). De tels centres permettraient de réaliser des études de cohorte indispensables à la recherche clinique et aux progrès rapides et indispensables dans la prise en charge diagnostiques et thérapeutiques de cette pathologie complexe.
D’après un entretien avec le Pr Hervé Dechaud, CHU Arnaud de Villeneuve, Montpellier.
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