LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN – Que pensez-vous de la polémique sur la vaccination ?
Dr Xavier Carcopino-Tusoli – Cette attitude vis-à-vis de la vaccination est un problème franco-français qui n’a pas lieu d’être. Cela a déjà été observé avec la vaccination contre l’hépatite B. Il existe actuellement une telle suspicion par rapport au vaccin, qu’il est difficile d’infléchir une opinion déjà arrêtée. En ce qui concerne la vaccination HPV, rien ne justifie d’alarmer les patientes quant à des effets indésirables potentiels non démontrés. Au contraire, c’est un vaccin dont le bénéfice attendu est important, qui est sûr par rapport aux autres vaccins et qui a été validé par les autorités. Nous avons maintenant des années de recul sur ce vaccin. Les effets secondaires sont anecdotiques aussi bien avec Gardasil qu’avec Cervarix.
Pourquoi la vaccination HPV n’est-elle pas plus pratiquée ?
Le problème du vaccin PVH n’est pas l’existence d’effets secondaires, mais l’insuffisance de son utilisation. Alors que la Grande-Bretagne et l’Australie vaccinent en masse leurs jeunes filles dans le cadre de la médecine scolaire et en sont à 80 % de couverture vaccinale, nous en sommes en France à peine à 40 %. Pourtant, ce vaccin est un moyen efficace, sinon d’éradiquer, mais au moins de diminuer de façon fantastique, les infections à HPV 16 et 18. Nous sommes en train de rater cet objectif de santé publique… ! Aujourd’hui, les jeunes filles de 14/18 ans ne bénéficient pas d’une prévention optimale contre les infections à HPV. Il est regrettable que la médecine scolaire refuse non pas pour des raisons médicales, mais pour des raisons de responsabilité légale, de s’engager sur la voie de la vaccination. Tous les pays qui n’ont pas pris la décision de vacciner en utilisant la médecine scolaire se retrouvent avec une vaccination insuffisante pour espérer un impact réel de cette vaccination.
Que dire aux jeunes filles à vacciner ?
Les jeunes filles de 14 ans sont la population cible du vaccin HPV même si des jeunes filles plus âgées sont souvent vaccinées en rattrapage. Elles viennent souvent avec leur mère et parler du vaccin HPV est un sujet délicat qui implique de mentionner la sexualité et le cancer. J’en parle le moins possible. Quand je propose la vaccination, je me calque sur les recommandations sans introduire d’avis personnel. « Un vaccin contre le cancer du col est disponible. Vous avez l’âge de la population cible de ce vaccin recommandé par le Comité technique des vaccinations. Il se pratique en 3 injections et vous pouvez en bénéficier. Est-ce que cela vous intéresse ? » J’explique aussi, bien sûr, à la jeune fille qu’il faudra qu’elle continue à se faire dépister et à avoir un suivi gynécologique régulier. Aux questions qui peuvent être posées sur ce qui a été dit dans la presse grand public, je réponds que rien n’a été démontré et qu’il n’y a pas de raison d’arrêter ce vaccin qui est recommandé par les pouvoirs publics.
Pourquoi cette peur du vaccin ?
La peur vis-à-vis du vaccin est liée au fait que la population a oublié ce que c’est que d’être malade. Ce n’est pas une peur rationnelle. Elle résulte plus d’un contexte global de suspicion que d’une explication objective. Le cancer du col est devenu relativement rare chez la femme française en raison du dépistage : c’est le 9e cancer féminin. Cependant, le dépistage n’est pas parfait et des cancers peuvent survenir chez des femmes dépistées. Refuser le vaccin est donc une perte de chance dont il est dommage de se priver. Le refus de la vaccination risque de faire réapparaître des maladies et leurs complications qui avaient fortement diminué. C’est déjà le cas pour la rougeole. Nous voyons aussi chez des femmes enceintes des grippes sévères qui auraient pu être évitées par la vaccination.
Que dire en ce qui concerne les dysplasies cervicales ?
La principale indication du vaccin HPV est la prévention du cancer du col de l’utérus, mais c’est aussi un vaccin qui évite les infections à HPV 16 et 18 et l’apparition des dysplasies. Les infections à HPV 16 et 18 sont responsables de 60 à 70 % des lésions type CIN2/3. Dans notre pays où le cancer du col est devenu rare, les dysplasies cervicales sont devenues la cible prioritaire. Elles sont pourvoyeuses d’interventions très fréquentes (environ 30 000 conisations par an sont pratiquées en France) et ces conisations exposent des femmes souvent jeunes à des complications obstétricales. Les adolescentes doivent comprendre que se vacciner contre le HPV diminue aussi le risque d’avoir une dysplasie cervicale et des traitements potentiellement délétères pour l’avenir obstétrical. Je le dis à mes patientes : « On ne meurt pas d’une CIN, mais le traitement augmente le risque de donner naissance à un grand prématuré ». C’est un impact qui est souvent oublié…
D’après un entretien avec le Dr Xavier Carcopino-Tusoli, gynécologue-obstétricien, Hôpital Nord, Marseille.
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