Le 31 mars 2019, l'équipe du Pr Jean-Marc Ayoubi de l'hôpital Foch (Suresnes) réalisait une première en France : une transplantation utérine chez une femme de 34 ans. Née sans utérus en raison d'un syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH), elle a bénéficié d'un don d'utérus de sa mère âgée de 57 ans.
« La patiente greffée se porte bien ainsi que la donneuse. Le transfert d'embryon sera réalisé 1 an après la greffe, en avril prochain, indique au « Quotidien » le Pr Ayoubi. D'autres patientes sont en cours d'exploration pour une greffe prévue vers février-mars ». L'équipe de Foch a obtenu en 2017 l'autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de mener un protocole de recherche sur dix greffes à partir de donneuses vivantes.
76 greffes dans le monde
C'est l'équipe du Pr Mats Brännström de Göteborg qui, la première, a montré que la greffe utérine était possible : un premier enfant né d'une mère greffée a vu le jour en Suède en 2014. Depuis, plusieurs naissances ont été annoncées à travers le monde. Lors du congrès de la société internationale de transplantation utérine qui s'est tenue à Cleveland en septembre, 76 greffes et 19 naissances ont été rapportées. La plupart des femmes greffées (85 %) ont un syndrome MRKH, mais il existe d'autres indications, comme une ablation de l'utérus à la suite d'un cancer ou d'une hémorragie incontrôlable après un accouchement.
À lire aussi dans le bilan Gynécologie 2019
– En 2019, le test HPV monte en première ligne
– L'ANSM ne recommande pas l'explantation préventive
Sur l'ensemble des naissances, 17 ont été rendues possibles par des greffons provenant de donneuses vivantes (souvent la mère de la patiente), et deux par des greffons de donneuses décédées. La première naissance permise par un greffon de donneuse décédée a eu lieu en décembre 2017 au Brésil.
Les deux techniques présentent chacune leurs avantages et leurs inconvénients et ne sont pas à opposer. En particulier, le recours aux donneuses vivantes permet d'obtenir des greffons de meilleure qualité et de programmer l'opération, quand les greffes à partir d'utérus de donneuses décédées sont techniquement plus simples à réaliser (bien que plus complexes sur le plan organisationnel) et ne font courir aucun risque, aussi minime soit-il, à une tierce personne.
Demande d'autorisation en cours à Rennes
En France, l'équipe de Limoges avait reçu en 2015 l'autorisation de l'ANSM de réaliser huit greffes à partir de donneuses décédées. Néanmoins, ce protocole est actuellement suspendu « pour des raisons organisationnelles, administratives et institutionnelles », a déclaré le Pr Tristan Gauthier du CHU de Limoges lors d'une journée française de réflexion sur la transplantation utérine organisée par le CHU de Rennes en octobre.
De son côté, l'équipe rennaise constitue un dossier auprès de l'ANSM. « Nous avons déjà eu plusieurs échanges avec l'ANSM et l'Agence de la biomédecine pour préparer le dossier d'agrément, et nous devrions pouvoir le déposer auprès de l'ANSM fin janvier, indique au « Quotidien » le Pr Vincent Lavoué. Si nous obtenons l'agrément avant l'été 2020, cela ouvre la voie pour une première transplantation utérine probablement en 2022 ».
L'autorisation a été demandée pour dix greffes à partir de donneuses vivantes et dix greffes à partir de donneuses décédées. « La candidate à une greffe devra se positionner sur l'une ou l'autre des modalités pour que celles-ci ne soient pas en concurrence », précise le Pr Lavoué.
Questions éthiques
Les techniques évoluent par ailleurs sur le plan chirurgical, et les différentes équipes qui travaillent sur la transplantation utérine dans le monde s'enrichissent mutuellement. L'équipe de Foch a développé une expertise dans le domaine de la chirurgie assistée par robot pour le prélèvement utérin des donneuses. Elle a apporté cette expertise à l'équipe suédoise avec qui elle collabore étroitement depuis 2009. L'équipe du Pr Brännström a ainsi annoncé une première naissance grâce à la chirurgie robot-assistée en avril de cette année.
La prouesse technique et chirurgicale ne doit pas faire oublier le risque d'échec et les questions d'ordre éthique que la greffe utérine soulève, notamment concernant la relation entre donneuse et receveuse et sur les conséquences pour l'enfant.
En plus d'une équipe de psychologues, l'équipe de Rennes a ainsi intégré à son projet un axe de réflexion en éthique de la transplantation utérine et un axe de réflexion juridique. « En effet, le retentissement sociétal de ces développements est à anticiper », estime le Pr Lavoué.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?