La drépanocytose pourrait être durablement traitée par thérapie génique, comme dans la β-thalassémie. C'est l'un des messages forts du congrès annuel de l'Association américaine d'hématologie (ASH), qui s'est tenu à Orlando du 7 au 10 décembre.
Deux équipes y ont présenté des résultats encourageants sur de petites séries de patients traités par la greffe de cellules souches hématopoïétiques autologues, génétiquement modifiées pour favoriser l'expression de β-globine fonctionnelle.
L'essai HBG-206, financé par Bluebird Bio, est le plus avancé. Le concept est proche de l'approche déjà commercialisée par le laboratoire dans l'indication de la β-thalassémie : prélever les cellules souches hématopoïétiques du patient et y insérer, via un vecteur lentiviral, un exemplaire du gène codant pour une β-globine dotée d'une mutation anti-polymérisation. Les cellules souches modifiées sont ensuite réinjectées au patient après une étape de myéloablation.
Les données de HBG-206, communiquées ce samedi, montrent que cette hémoglobine anti-polymérisation représente environ 40 % de l'hémoglobine totale, au bout d'un suivi médian de 9 mois après le traitement.
À la date du 26 août, 12 des 17 patients étaient évaluables avec au moins 6 mois de suivi. Aucun n'a eu besoin de transfusion sanguine, et aucune complication aiguë de la drépanocytose (crise vaso-occlusive, syndrome thoracique aigu) n'a été signalée.
Un protocole à tâtons
Les chercheurs s'y sont pris à plusieurs fois pour établir un protocole de soin efficace. Comme l'a précisé en session orale la Dr Julie Kanter, de l'université de l'Alabama, le parcours de soins des 7 premiers patients (groupe A) a été modifié pour les 25 suivants (groupe B) puis encore amélioré pour les 17 derniers patients (groupe C), dont les résultats sont les plus prometteurs.
Comparé aux 2 précédents, le groupe C a bénéficié d'une transfusion de cellules plus diversifiées, d'une myéloablation plus agressive et d'une aphérèse plus efficace grâce à l'administration préalable de plerixafor, un inhibiteur de CXCR4 indiqué dans le traitement des leucopénies.
Cure de jouvence
En plus des préliminaires, les données de 9 premiers patients pris en charge par une équipe de l'institut Dana Farber de Boston ont également été détaillées en session « Late Breaking ». L'hémoglobine de ces patients a été « renvoyée en enfance », comme l'explique le Dr David Williams responsable du service d'oncologie et d'hématologie du centre d'oncologie pédiatrique Dan-Farber à Boston.
« Un an après la naissance, on arrête de produire de l'hémoglobine fœtale au profil de l'hémoglobine adulte, explique le Dr David Williams, qui est pathologique, dans la drépanocytose, aussi nous avons tenté d'inverser le processus et d'induire la production d'hémoglobine fœtale. »
Les chercheurs ont utilisé le vecteur lentiviral shmiR pour introduire, dans les cellules souches hématopoïétiques, un gène codant pour un ARN interférent réprimant la production de BCL11A, un inhibiteur puissant de la production d'hémoglobine fœtale.
Des lots de cellules CD34 + modifiées ont été produits avec succès pour les 9 patients, mais seuls 5 ont été traités à ce jour, avec des suivis allant de 1 à 18 mois. Aucune transfusion n'a été nécessaire, et le pourcentage d'hémoglobine fœtale s'échelonne de 37,4 à 51,1 % selon les cas. Enfin, les taux d'hémoglobine sont systématiquement supérieurs à 10 g/dL.
« Le principal risque tient au fait que BCL11A est utile pour la maturation d'autres lignées de cellules sanguines, reconnaît le Dr Williams. Jusqu'à présent, nous n'avons relevé aucune anomalie dans la numération sanguine de nos patients traités. Il va nous falloir un long suivi pour nous assurer des effets à long terme de cette thérapie génique ».
Le vecteur fait l'objet d'un brevet déposé par l'hôpital pour enfants Dana Farber de Boston, mais une licence a été cédée à Bluebird Bio pour l'éventuelle exploitation commerciale de nouveaux produits de thérapie génique.
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