Le TDM ne fait pas mieux en urgence

L’échographie, l’examen de choix pour la lithiase rénale

Publié le 22/09/2014
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Crédit photo : PHANIE

Les urgentistes français suivront-ils une formation à l’échographie rénale à l’avenir ? C’est ce que laisse penser une étude américaine publiée dans le « New England Journal of Medicine », qui démontre les avantages à réaliser une échographie plutôt qu’un TDM pour le diagnostic initial de lithiase rénale dans le cadre d’une colique néphrétique aux urgences. Ces dernières années, le TDM, qui est considéré comme l’examen de référence, de sensibilité très élevée, non-opérateur dépendant, rapide et pratique à réaliser, a vu le nombre de ses demandes exploser aux urgences.

D’après l’équipe dirigée par le Dr Rebecca Smith-Bindman, la stratégie reposant sur l’échographie initiale, mais pouvant faire appel à d’autres examens complémentaires d’imagerie, expose globalement à une moindre dose d’irradiation à 6 mois, et ceci sans que le risque de passer à côté d’un diagnostic avec complications ne soit augmenté dans les 30 jours. Parmi ces diagnostics à haut risque, l’équipe avait pris en compte les complications rénales (infarctus rénal, abcès rénal sur obstacle, sepsis sur pyélonéphrite), mais aussi les diagnostics différentiels graves (rupture d’anévrisme de l’aorte abdominale, sepsis sur pneumonie, rupture appendiculaire, abcès diverticulaire, ischémie intestinale, torsion d’ovaire, dissection aortique).

Moins coûteux malgré davantage d’examens

De plus, pour la stratégie avec échographie, malgré une imagerie complémentaire plus fréquente, le coût économique du seul passage aux urgences serait légèrement moindre, de l’ordre de 25 dollars dans l’étude. La prise en charge n’était pas plus longue aux urgences quelle que soit l’imagerie réalisée, entre 6,3 et 7 heures en moyenne. Pour le Dr Smith-Bindman, professeur de radiologie, d’épidémiologie et de biostatistiques à l’université de Californie à San Francisco : « Nos résultats ne veulent pas dire que les patients devraient avoir juste une échographie, mais plutôt que l’échographie devrait être réalisée en première intention, avec d’autres examens d’imagerie selon l’appréciation clinique des médecins ».

Ces conclusions n’ont rien de contradictoire avec les recommandations françaises. Dans une version actualisée de 2008, l’Association Française d’Urologie indique que « le couple ASP-échographie (...) garde toute sa place dans la colique néphrétique simple » et poursuit que « l’indication du scanner en urgence est réservée aux formes compliquées ou aux doutes diagnostiques ». Cela étant, elles ne sont pas forcément suivies à la lettre, le plateau technique de chaque hôpital et le personnel disponible conditionnant pour beaucoup les examens réalisés. Le TDM, qui ne nécessite pas la présence du radiologue et permet une interprétation (un peu) différée, facilite parfois le fonctionnement conjoint des services de radiologie et d’urgences.

Une offre technique à organiser

L’accès au plateau technique, à toute heure du jour ou de la nuit, est une contrainte importante. Aux États-Unis, les échographies rénales peuvent être réalisées par les urgentistes ayant reçu une formation spécifique de l’American College of Emergency Physicians. C’est ainsi que l’étude a comparé en réalité trois groupes de sujets venant consulter aux urgences pour suspicion de colique néphrétique aiguë, l’un ayant eu une échographie aux urgences (n=908), le second une échographie en radiologie (n=893) et le troisième un TDM abdominal sans injection (n=958). Les investigateurs précisent d’ailleurs que la randomisation « était réalisée seulement pendant les heures où les trois techniques étaient faisables ». Les patients étaient ensuite revus à 3, 7, 30, 90 et 180 jours pour le suivi. À noter que les résultats d’efficacité étaient identiques, que l’opérateur ait été radiologue ou urgentiste pour l’échographie.

Sans surprise, l’étude a confirmé la moins bonne sensibilité de l’échographie (54 %) par rapport au TDM (88 %). Pour autant, cette supériorité diagnostique ne s’est pas traduite par de meilleurs résultats pour les patients. Selon les auteurs, « les raisons pour lesquelles les médecins de l’étude avaient quelques patients ayant passé un TDM après l’échographie ne sont pas connues, et ces pratiques étaient variables selon les sites ». La stratégie avec échographie initiale, qui a entraîné davantage de demande d’examens complémentaires, aux urgences et les 6 mois suivants, exposait malgré tout à une dose totale moins forte d’irradiation. Comme les sujets ayant eu une lithiase rénale sont à risque de récurrence et « font fréquemment des imageries répétées au cours du temps », les auteurs insistent sur les bénéfices à préférer initialement l’échographie plutôt que le TDM pour diminuer leur exposition totale aux irradiations.

The New England Journal of Medicine, publié le 18 septembre 2014

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9350