Pour des raisons encore mal connues, le virus de la rougeole est, dans environ un cas de rougeole sur 10 000, à l’origine d’une panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS), une encéphalite mortelle qui survient des années après l’infection par le virus. Des chercheurs de la Mayo Clinic, ce centre de soins dont le siège est basé dans le Minnesota (États-Unis), ont cartographié comment le virus de la rougeole a muté et s'est propagé dans le cerveau d'un homme de 24 ans. Ce dernier a succombé à cette maladie ; son cerveau a alors été congelé et donné au Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC). « Une occasion unique de caractériser la dynamique spatiale d'une unité infectieuse collective chez un hôte humain », commentent les auteurs de l'étude. Les chercheurs craignent que de nouveaux cas de PESS surviennent à mesure que la rougeole réapparaît parmi les personnes non vaccinées.
En France, la vaccination systématique contre la rougeole a été introduite en 1985, pourtant la maladie n'a pas totalement disparu. Ces dernières années, elle refait surface et le nombre de cas dans le monde explose. L'Unicef alertait mi-décembre face à une « augmentation phénoménale de 3 266 % » des cas recensés en Europe et en Asie centrale, entre janvier et début décembre. La France n'est pas épargnée puisque 106 cas de rougeole ont été confirmés en 2023, contre 19 en 2022. En revanche, le nombre de PESS y reste pour l’instant très faible.
Une population de génomes variés
L’étude, menée par les chercheurs de la Mayo Clinic, a été publiée en libre accès le 21 décembre 2023 dans la revue Plos Pathogens. Ils y expliquent avoir découvert que le génome du virus de la rougeole a commencé à changer une fois entré dans le cerveau. Il s’est répliqué, créant d’autres génomes légèrement différents qui se sont eux-mêmes répliqués, et ainsi de suite, à de multiples reprises, créant in fine une population de génomes variés. « L'adaptation cérébrale a donné naissance à une population génomique virale génétiquement diversifiée et largement dispersée au moment du décès du patient », décrivent les scientifiques, qui ont utilisé les derniers outils de séquençage génétique pour mener à bien leur étude. Le Pr Pierre Lebon, médecin virologiste et immunologiste à l’université Paris Descartes, professeur émérite et coauteur d’un état des lieux de la PESS, commente ces résultats : « Les mutations des gènes viraux étaient déjà connues mais leurs associations et leurs localisations dans les différentes régions du cerveau ont pu être montrées ici ». Il déplore néanmoins l’absence d’informations liées au malade, sur sa réponse immunitaire, le traitement antérieur qu’il aurait subi ou ses antécédents familiaux, « qui pourraient expliquer en partie l’abondance des mutations virales ».
Dans le communiqué associé à la publication dans Plos Pathogens, l’un des coauteurs, le Dr Roberto Cattaneo, virologue à la Mayo Clinic, explique que deux génomes spécifiques présentaient certaines caractéristiques qui, conjointement, favorisaient la propagation du virus depuis l'emplacement initial de l'infection (le cortex frontal), permettant ainsi de coloniser l'ensemble du cerveau. « Les prochaines étapes de cette recherche consisteront à comprendre comment ces mutations spécifiques favorisent la propagation du virus dans le cerveau. Ces études seront réalisées sur des cellules cérébrales cultivées et sur des amas de cellules ressemblant au cerveau, appelées organoïdes », précise le communiqué.
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