Le Pr Didier Raoult en avait réservé la primeur au président de la République lors de sa venue à l'IHU Méditerranée Infection. Les données relatives au traitement de 1 061 patients atteints de Covid-19 traités par l'association hydroxychloroquine-azythromicine ont été publiées sous forme d'abstract sur le site de l'IHU.
Les patients, traités pendant au moins 3 jours et suivis pendant une durée minimum de 9 jours, sont issus de la file active de l'IHU, composée de 3 165 patients positifs pour le SARS-CoV-2 (près de 60 000 personnes se sont faites dépister à l'IHU Méditerranée Infection au cours du mois de mars). La population est relativement jeune et les critères d'inclusion ne sont pas précisés (ils ne l'étaient pas non plus dans la précédente étude menée sur 80 patients). Le Pr Raoult a affirmé à de nombreuses reprises que ce traitement devait être employé au début de l'infection et ne pas être réservé aux cas graves.
Selon les médecins de l'IHU, aucun signe de toxicité cardiaque n'a été observé et une élimination du virus était observée au bout de 10 jours chez 91,7 % des patients. Dans 4.4 % des cas, des individus ayant une forte charge virale à l'inclusion étaient toujours porteurs du virus au bout de 10 jours mais leur charge virale était devenue indétectable au bout de 15 jours de suivi.
Un groupe de 46 patients (4,3 % de la cohorte) a vu leur état se dégrader, et 10 d'entre eux ont été admis en soins intensifs. Cinq autres patients sont morts et 31 ont dû être hospitalisés pendant plus de 10 jours. Au sein de ce groupe de 46 patients, 16 sont toujours hospitalisés. Les critères associés à un mauvais pronostic étaient l'âge la sévérité de la maladie à l'inclusion et une faible concentration sérique d'hydroxychloroquine.
Les chercheurs marseillais concluent que l'association hydroxychloroquine/azithromycine administrée immédiatement après le diagnostic est un traitement « sûr et efficace de l'infection Covid-19, avec un taux de mortalité de 0,5 % chez les patients âgés (la moyenne d'âge des patients de l'étude est de 43,6 ans), qui évite les formes graves et permet une élimination virale ainsi que la contagiosité dans la majorité des cas. »
Toujours pas de groupe comparateur
Comme lors de ces deux précédentes études, l'absence de groupe comparateur complique l'évaluation de l'efficacité du traitement. Le Pr Raoult a toujours défendu cette approche par la nécessité de mener ses travaux le plus rapidement possible, eut égard à l'urgence de la situation épidémique.
Selon Dominique Costagliola, experte en biostatistique et épidémiologie, et directrice de l'Institut Pierre Louis d'Épidémiologie et de Santé Publique, cet argument est difficilement recevable. « Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'ils auraient perdu beaucoup trop de temps à faire une étude contre placebo, car il faut trouver un industriel pour produire un placebo ressemblant au traitement, explique-t-elle. Mais il fallait quand même faire une randomisation entre un groupe avec traitement et un groupe sans traitement, affirme-t-elle. Les délais de traitement des dossiers pour une autorisation d'étude randomisée ont été considérablement raccourcis depuis le début de l'épidémie. »
Concernant les précédents travaux de l'équipe du Pr Raoult, Dominique Costagliola note aussi d'autres soucis d'ordre méthodologique « comme le fait que l'on ait arrêté de tester les patients de l'étude dès lors qu'un seul de leur test PCR était négatif, alors que l'expérience montre que des patients peuvent de nouveau être positifs par la suite, souligne-t-elle. Si au bout de 6 jours, on ne teste plus qu'une fraction d'un échantillon comme peut-on donner un pourcentage de positivité sur l'ensemble de l'échantillon ? Par ailleurs, la description de la méthode statistique employée est à la fois très succincte et incompréhensible, alors que c'est ma spécialité. »
L'ANSM sonne l'alerte
Alors même que l'équipe du Pr Raoult publiait ses derniers résultats, l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM), en collaboration avec le réseau national des centres de pharmacovigilance (CRPV), a annoncé la mise en place d'une surveillance continue des effets indésirables liés à l'utilisation des médicaments chez les patients atteints de Covid-19. Plusieurs molécules sont suivies dont l'hydroxychloroquine et le lopinavir/ritonavir.
L'ANSM a lancé deux enquêtes de pharmacovigilance. La première, menée par le centre de pharmacovigilance de Dijon, recense l'ensemble des effets indésirables déclarés dans la base nationale de pharmacovigilance depuis le 27 mars 2020 en lien avec des médicaments utilisés chez des patients atteints de Covid-19. Le centre de pharmacovigilance de Nice réalise, quant à lui, une enquête complémentaire portant spécifiquement sur les effets cardiovasculaires de ces traitements.
Pour l'heure, une centaine de cas d'effets indésirables ont été déclarés chez des patients infectés par le Covid-19, dont 82 cas graves (dont 4 décès). « La majorité des cas d'effets indésirables déclarés se répartissent par moitié entre lopinavir-ritonavir et hydroxychloroquine », détaille l'ANSM. La plupart des effets observés sont connus et décrits dans la littérature et dans les RCP des médicaments : hépatotoxicité, néphrotoxicité, atteintes rétiniennes, troubles cardio-vasculaires notamment.
Un total de 53 cas d'effets indésirables cardiaques a ainsi été analysé, dont 43 avec l'hydroxychloroquine, seule ou en association (notamment avec l'azithromycine) : 7 cas de mort subite, dont 3 récupérés par choc électrique externe, une dizaine de troubles du rythme et des troubles de la conduction dont allongement de l'intervalle QT, d'évolution favorable après arrêt du traitement.
L'ANSM rappelle que ces médicaments « doivent être utilisés uniquement à l'hôpital, sous étroite surveillance médicale dans le cadre fixé par le Haut conseil de la santé publique ».
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