LES BACTÉRIES productrices de shigatoxines, qui appartiennent au genre Shigella et à l’espèce Escherichia coli entérohémorragique (ECEH), infectent plus de 150 millions de personnes chaque année et sont responsables de plus d’un million de décès dans le monde. Il n’existe aucun traitement médical définitif, les antibiotiques étant contre-indiqués car ils augmentent le risque de libération des shigatoxines potentiellement fatale.
« Les infections à E. coli sont une cause majeure d’infections alimentaires aux États-Unis et en Europe. En fait, la récente épidémie d’infections virulentes à E. coli en Allemagne était due à une souche productrice de shigatoxines. Les infections à Shigella sont plus fréquentes dans les pays en développement et sont responsables d’épidémies massives liées à l’eau souillée », explique au « Quotidien » le Dr Adam Linstedt de l’Université Carnegie Mellon à Pittsburgh (États-Unis), qui a dirigé ce travail.
« Les patients infectés par ces bactéries développent des symptômes gastro-intestinaux, tels que des diarrhées glairosanglantes, des nausées, des vomissements, des crampes abdominales et une fièvre modérée. La majorité des patients guérissent complètement de cette infection. Toutefois chez de 10 à 15 % des patients environ - et ce pourcentage était de 25 % dans l’épidémie récente en Allemagne - les shigatoxines libérées par les bactéries entrent dans la circulation sanguine et affectent les autres organes. Les effets sont particulièrement fatals sur le rein, où la toxine cause un syndrome hémolytique et urémique (SHU) et une insuffisance rénale aiguë, pouvant aboutir au décès. Malheureusement, aucun traitement définitif n’est disponible. Le traitement antibiotique est problématique car il augmente la libération de shigatoxines par les bactéries mourantes et le risque de lésion rénale. Par conséquent, le défi est de découvrir un traitement efficace pour neutraliser la toxine. »
Mukhopadhyay et Linstedt ont cherché à cibler le transport intracellulaire des shigatoxines. En effet, ces toxines envahissent les cellules via un transport membranaire rétrograde, et échappent ainsi à la voie de dégradation lysosomale.
« Nous avons d’abord cherché à savoir si un traitement par le manganèse (Mn) pouvait bloquer le transport des shigatoxines dans les cellules. Effectivement, nous avons découvert qu’il inhibe leur transport des endosomes vers l’appareil de Golgi. Et, de façon importante, non seulement il inhibe ce transport mais il détourne les shigatoxines vers les lysosomes ou elles sont dégradées. La dégradation des toxines est importante du point de vue thérapeutique car cela indique que les toxines résiduelles ne resteront pas dans la cellule. Nous avons confirmé que la protéine GPP130 est ciblée par le Mn ; lorsque nous exprimons une forme GPP130 insensible au Mn, le transport de la toxine vers l’appareil de Golgi est restauré. »
Une protection in vitro et in vivo.
« Nous avons ensuite voulu savoir si un traitement par de faibles taux de Mn pouvait protéger les cellules contre la mort induite par les shigatoxines. De façon incroyable, nous avons obtenu une protection d’un facteur 3 800. Nous sommes alors plus loin et avons examiné si le Mn pouvait protéger les souris contre une inoculation létale de shigatoxines (injection intrapéritonéale), après avoir vérifié que le traitement par Mn ne causait aucune complication. Nous avons constaté que, tandis que les souris témoins exposées à la toxine meurent dans les 3 à 4 jours, les souris qui reçoivent un traitement Mn débuté avant l’exposition à la toxine, sont complètement protégées contre la toxicité Shiga. »
Des études supplémentaires sont nécessaires.
« Il y a encore beaucoup de travail à faire avant que nous puissions savoir si le manganèse sera efficace dans le traitement de la Shiga-toxicose. Premièrement, nous devons évaluer s’il peut protéger les souris exposées au virulent E. coli producteur de shigatoxines. Jusqu’ici, nos expériences ont été effectuées en utilisant une toxine purifiée et, s’il est probable que le Mn sera également efficace contre la bactérie productrice de toxine, cela reste à déterminer. Nous devons aussi évaluer si la combinaison thérapeutique antibiotique et manganèse est possible, car le Mn protégerait contre les effets de la toxine libérée par la bactérie mourante. Nous devons optimiser la voie d’administration et la dose de Mn, et conduire d’autres études de toxicité pour nous assurer que l’exposition au Mn ne causera aucune complication à long terme. Ces études prendront entre quelques mois et quelques années et, selon leurs résultats, nous serons en position d’envisager des essais cliniques. »
Mukhopadhyay et coll. Science 20 janvier 2012.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024