Reconfiner ou pas ? Les facteurs épidémiologiques qui vont faire la différence

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Publié le 22/01/2021
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Crédit photo : AFP

La menace d'un reconfinement plane et les prochaines semaines seront déterminantes. Lors de son intervention sur TF1 jeudi soir, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a affirmé qu'il souhaitait « laisser le temps au couvre-feu de faire ses preuves avant de prendre cette décision. »

Selon le dernier point épidémique publié jeudi soir par Santé publique France (SPF), la circulation du virus reste à un niveau élevé en semaine 02 (du 11 au 17 janvier 2021). On dénombre en moyenne 18 364 cas confirmés par jour sur cette période. Ce nombre moyen « se stabilise par rapport à la semaine 01 (+1 %), mais le nombre d'hospitalisation, de passage aux urgences et d'admission en service de réanimation et de décès en milieu hospitaliers et établissement médico-légaux (+10,2 %) ont eux légèrement augmenté », détaille l'épidémiologiste de SPF Fanny Chereau.

Le point le plus inquiétant est l'augmentation de 12 % du taux d'incidence chez les personnes de 75 ans et plus, les plus susceptibles de développer des formes graves. SPF a également communiqué les données de surmortalité pour la semaine 53 de l'année 2020 (du 28 décembre au 3 janvier), qui s'établit à +14 %.

Concernant l'effet du couvre-feu national sur l'ensemble du territoire, l'agence estime qu'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. En revanche, elle constate une diminution de la pression de l'épidémie dans les 15 départements dits « du groupe 1 », où un couvre-feu à 18 heures est en vigueur depuis le 2 janvier 2021.

« Entre la semaine 2 et la semaine 1, nous avons assisté à une baisse de 13 % des hospitalisations dans ces départements, alors qu'il y avait une stabilité, voire une augmentation dans les autres, explique Guillaume Spaccaferri, épidémiologiste à SPF. Mais il faut noter que l'évolution y était déjà favorable au cours des 2 semaines précédentes. On peut supposer qu'il y a eu une prise de conscience des populations avant le couvre-feu et des meilleurs comportements. »

L'effet des variants en question

Autre facteur d'incertitude qui pèse lourd dans la balance : l'impact des variants anglais (VOC 202012/01), sud-africain (501Y.V2) et brésilien (P.1). Les données disponibles indiquent que les deux premiers sont plus transmissibles et que le second échappe au moins partiellement à la réponse immunitaire acquise à la suite d'une infection ou d'une vaccination. « Si nous constatons que la part de ces variants augmente et provoque une nouvelle flambée épidémique, alors on devrait probablement faire un reconfinement », a affirmé Olivier Véran lors de son interview télévisée.

Les variants anglais et sud-africains ont d'ores et déjà été identifiés en France, mais leur niveau de diffusion est encore mal connu. Une première enquête flash menée par SPF et le centre national de référence des infections respiratoires a conclu à un taux de variant anglais de 1,4 %.

Ces résultats constituent toutefois une projection qui a besoin d'être affinée. Lors de l'enquête, « nous n'avions qu'un seul type de PCR, fabriquée par Thermo Fisher, capable de repérer le variant anglais, explique le Pr Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses à l'agence SPF. Pour les prochaines enquêtes, nous aurons d'autres PCR plus spécifiques qui permettent de cibler d'autres variants, et notamment celui d'Afrique du Sud ».

Le Pr Coignard ajoute que « les données actuelles ne permettent pas de faire un lien entre le nouveau variant et la remontée des hospitalisations, détaille-t-il. D'autant plus que les données d'hospitalisation sont en décalage avec celles du diagnostic ».

Une seconde enquête flash devrait avoir lieu la semaine prochaine. Elle impliquera des plateformes de séquençage, chargées de confirmer les cas d'infection par un des trois variants suspectés à la RT-PCR. Forts de ces nouvelles données, les épidémiologistes de SPF pourront estimer la dynamique de pénétration des nouveaux variants et modéliser leur impact sur l'épidémie et le système de santé.

70 millions de Français vaccinés d'ici août

Lors de son intervention télévisée, le ministre de la Santé a voulu rassurer la population, inquiète des annonces de centres de vaccination ayant dû interrompre les prises de rendez-vous, faute de doses de vaccin. « Certains centres ont fait du surbooking, mais dans 95 % des cas, cela se passe bien, affirme le ministre. Nous avons fait plus de 130 000 vaccinations aujourd’hui, le double de nos voisins allemands. À partir de mardi prochain, nous ouvrirons 500 000 nouvelles places de vaccination entre le début et la fin février. Nous aurons vacciné entre 1,3 et 1,4 million de personnes d'ici fin janvier. »

S'il reconnaît qu'il y aura sans doute moins de primovaccinés au mois de février qu'au cours mois de janvier à cause des secondes injections, Olivier Véran reste convaincu que l'objectif des 70 millions de Français vaccinés d'ici la fin du mois d'août est atteignable, « à condition que la totalité des vaccins que nous avons commandés soit validée par les autorités de santé d'ici là », prévient-il.

Concernant les vaccins, l'Agence du médicament (ANSM) dresse un tableau rassurant. Depuis le début de la vaccination, 139 cas d’effets indésirables ont été déclarés avec le vaccin Comirnaty de Pfizer/BioNTech, dont une vingtaine d’effets indésirables graves. Neuf décès ont été rapportés, exclusivement des personnes âgées résidant en Ehpad ou en résidence vieillesse qui présentaient toutes des maladies chroniques et des traitements lourds. « Au regard des éléments dont nous disposons à ce jour, rien ne permet de conclure que ces décès sont liés à la vaccination », affirme l'agence à l'issue de la réunion du comité de suivi le 21 janvier. Enfin, aucun cas d’effet indésirable avec le vaccin Moderna n’a encore été déclaré à l’ANSM.


Source : lequotidiendumedecin.fr