Des chercheurs américains viennent de décoder la manière dont l'infection par le Sars-CoV-2 provoque l'apparition des microlésions cérébrales. Ces dernières seraient dues à la perte d'imperméabilité de la barrière hémato-encéphalique et aux infiltrations de cellules sanguines qui en résultent. Les résultats de cette étude académique menée au sein des Instituts nationaux de la santé (NIH) sont publiés dans « Brain ».
Pour parvenir à ces conclusions, l'équipe de l'institut des troubles neurologiques et des AVC au sein des NIH ont examiné des tissus cérébraux prélevés chez neuf patients décédés, âgés de 24 à 73 ans et sélectionnés sur les données d'imagerie (signes de lésions microvasculaires cérébrales).
Ces neuf échantillons ont été comparés à 10 contrôles. Tous les patients présentant des traces de fuite des protéines depuis le sérum vers le parenchyme cérébral, ainsi que des microthromboses accolées aux cellules endothéliales le long de la lumière vasculaire. Par ailleurs, des complexes immuns, avec activation de la voie de signalisation du complément, ont été mis en évidence au niveau des agrégats de plaquettes et de cellules endothéliales.
Conjointement, la présence d'infiltrations périvasculaires de macrophages et de lymphocytes T CD8+ ainsi que celle de plus rares lymphocytes T CD4 + et lymphocytes B CD20+ sont également décrites. Toutes ces observations, majoritairement faites au niveau du cerveau postérieur, étaient associées à des pertes de neurones et des phénomènes de neuronophagie.
Cytotoxicité provoquée par des anticorps
Pour les chercheurs, l'explication la plus probable à ces phénomènes (fuite de protéines sériques, agrégats plaquettaires, neuro-inflammation) résident dans l'interaction avec des protéines virales provoquant la mort de ces cellules, à la suite de quoi elles recrutent des cellules sanguines, à commencer par des plaquettes.
De fortes concentrations de protéines d'adhésion capables de fixer les plaquettes ont en effet été retrouvées dans les prélèvements. Les agrégats plaquettaires, qui perturbent la jonction entre les cellules endothéliales, causent alors des ruptures de la barrière hématoencéphalique. C'est ensuite au tour des macrophages d'être mobilisés pour réparer les dommages. Leur présence provoque alors une inflammation, destructrice de neurones.
Protéger la protéine Memo
Ces résultats s'inscrivent dans un ensemble de travaux menés sur les conséquences à moyen et long terme du Covid-19 sur la cognition. En novembre 2021, une équipe de recherche européenne, menée par Markus Schwaninger, de l’université de Lübeck, en Allemagne, avait apporté la démonstration d'une destruction des cellules endothéliales et d'atteintes vasculaires chez les patients atteints de Covid-19.
Le chercheur Vincent Prévot, responsable de l'équipe Inserm « Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine », au CHU de Lille, avait participé à ce travail. « Nous avions observé que la protéase Mpro, utile au virus pour maturer son matériel génétique, est également capable de couper la protéine Memo », explique-t-il au « Quotidien », sachant que l'absence de Memo induit la mort des cellules endothéliales.
« Les mécanismes physiopathologiques restaient toutefois inconnus, souligne le Dr Avindra Nath, directeur de la recherche clinque à l'institut des maladies infectieuses (NIH). Cette étude révèle des informations sur la séquence des événements qui conduisent à de tels symptômes cliniques. »
La piste de l'inhibiteur de protéase Mpro
Ces travaux pourraient avoir des implications sur la compréhension de certains symptômes neurologiques du Covid long : migraine, fatigue, perte du goût, fatigue, troubles du sommeil et brouillard mental. Ces derniers pourraient être causés par les lésions neurologiques récemment décrites. « Des traitements prévenant la formation de complexes immuns sont à envisager », concluent les auteurs.
Des candidats existent déjà, comme le rappelle Vincent Prévot : « Deux semaines après la publication de nos résultats, Pfizer avait communiqué des données d'un inhibiteur de protéine Mpro, afin de prévenir la réplication du virus. » Une telle molécule pourrait être employée pour prévenir l'apparition de vaisseaux fantômes et de lésions cérébrales.
Mais comment identifier les patients à risque ? En théorie, il faut une virémie importante pour que le virus « déborde » dans la circulation endothéliale. Un premier élément de réponse provient des modèles animaux. « Le hamster s'infecte naturellement par le Sars-CoV-2 mais ne développe que des formes béguines, explique Vincent Prévot. Vingt jours après l'infection, nous n'avons pas observé de vaisseau fantôme dans les cerveaux de ces animaux, mais au pic de la virémie, 4 jours après l'infection, il y en avait. » Même dans les formes mineures d'infection, du virus passerait jusque dans le cerveau, mais les dégâts y seraient réversibles, selon le chercheur. « Si l'on traite rapidement, on peut éviter au patient cette période de fragilité », conclut Vincent Prévot.
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