Depuis le crash de l’Airbus A320 et ses 150 morts, le 24 mars dans les Alpes, les éléments du dossier médical d’Andreas Lubitz circulent dans les médias internationaux, suscitant un début de polémique sur le secret médical. Le copilote qui s’est enfermé dans le cockpit, activant la procédure automatique de descente et restant sourd aux appels et aux alarmes, s’était vu prescrire un arrêt de travail pour le jour du drame, comme l’atteste le formulaire retrouvé déchiré à son domicile.
Or son médecin, un neurologue ou un psychiatre, selon le Süddeutsche Zeitung, se serait abstenu d’alerter la compagnie aérienne Germanswings, se conformant à la règle absolue du secret médical.
Suivi psychiatrique
« Ce faisant, il s’est placé en position délicate, quels que soient sa bonne foi et son jugement », commente un lecteur du « Quotidien ». Pour le Pr Bernard Debré, ce praticien a même commis « une faute extrêmement grave, en ne préférant pas sa conscience professionnelle au secret médical ». Le chirurgien urologue, qui est aussi titulaire d’un diplôme de médecine aéronautique et spatiale, lui reproche de ne pas avoir alerté la compagnie, alors que « son patient était dépressif et qu’il lui avait probablement prescrit des médicaments dont on sait qu’ils désinhibent et que certains multiplient par deux ou par trois le risque de crimes ou de suicides ». Confronté à ce type de cas, le Pr Debré assure que, pour sa part, il aurait prévenu l’employeur pour empêcher Lubitz de monter à bord de l’A320 le matin du crash.
Le dossier médical du jeune copilote était d’autant plus préoccupant qu’il fait état d’un « épisode dépressif lourd » survenu en 2009, avec un suivi psychiatrique « régulier » pendant dix-huit mois ; des documents qui évoquent des « dépressions et crises d’angoisse » auraient aussi été transmis par Germanwings à la Luftfahrtbundesamts, l’autorité allemande de supervision des transports aériens. Selon le parquet de Düsseldorf, il aurait été « en traitement psychothérapique pour des tendances suicidaires il y a de nombreuses années » et « jusqu’à récemment, d’autres consultations chez le médecin ont eu lieu, donnant lieu à des arrêts maladie sans que soient attestées des tendances suicidaires ou de l’agressivité à l’égard d’autrui ».
Que le copilote ait été atteint de burn out, qu’il ait souffert d’un état dépressif, ou qu’il ait traversé un état neurologique de type parasomnique comme évoqué vendredi sur le site du « Quotidien », la question du respect absolu du secret médical dans le cas d’un patient qui exerce un métier susceptible de mettre en danger la vie d’autrui, fait aujourd’hui débat.
« Sans doute le médecin prescripteur de l’arrêt de travail a-t-il estimé rapidement que son patient allait se conformer à sa décision et prendre du repos, estime le Dr François Baumann, généraliste, auteur d’un ouvrage consacré au secret médical (« l’éthique médicale au quotidien ») ; or le patient reste parfaitement libre de ne pas suivre l’avis médical : en France, la seule obligation qui lui est faite, c’est de prévenir la Sécurité sociale, avec la raison de l’arrêt, et son employeur, sans en préciser cette fois le motif, s’il veut bénéficier des prestations sociales. »
L’Ordre n’est pas favorable à une révision des règles
« À tout le moins, une transmission de l’arrêt à la médecine du travail de la compagnie aurait-elle pu être envisagée, estime le Dr Patrick Légeron, psychiatre et fondateur du cabinet conseil « Stimulus », qui collabore avec Air France. Malheureusement, la médecine de ville et la médecine de l’entreprise ne sont pas habituées à échanger leurs informations. »
Pour autant, faut-il ouvrir le procès de la règle absolue du secret médical ? À l’Ordre, le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la commission éthique et déontologie, ne se montre pas favorable à une révision des règles, alors qu’elles sont déjà soumises à diverses tensions. En revanche, il n’est « pas hostile à une réflexion quant à leur interprétation », et les instances ordinales pourraient être réunies prochainement pour statuer sur les cas où, en conscience, un praticien peut envisager de passer outre à l’article 4 du code de la santé publique.
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