Les conditions de travail ont un impact sur la santé physique. On le sait depuis longtemps. Depuis plusieurs années, on s’est aperçu qu’elles avaient également des effets sur la santé mentale avec l’émergence de pathologies mentales liées au travail, notamment le burn-out.
Le burn-out est un syndrome d’épuisement professionnel. S’il a été décrit dans d’autres contextes (le burn-out de la femme au foyer, par exemple), il sévit surtout en niveau professionnel. Il se définit par une triade symptomatologique qui associe : un épuisement aussi bien physique que psychologique ; un émoussement émotionnel et un cynisme au sens médical du terme, c’est-à-dire que l’individu n’éprouve plus de sentiments vis-à-vis des autres ; enfin, un désintérêt et une inefficacité dans le travail avec perte de l’estime de soi.
« L’épuisement, le sentiment d’être inefficace, la perte de l’estime de soi sont des symptômes retrouvés dans la dépression, souligne le Dr Patrick Légeron, en revanche les sujets dépressifs ne sont pas dépourvus d’émotions. Ils manifestent fréquemment de l’anxiété, de l’inquiétude ».
Le burn-out semble avoir existé de tout temps mais sa définition est récente
Shakespeare en affecte un de ses héros, Thomas Mann également et plus récemment Graham Greene dans une nouvelle « A burnt-out case » parue en 1960. En 1974, Herbert Freudenberger le décrit de manière imparfaite à partir d’observations chez des professionnels de santé et de soins chez lesquels les émotions, trop souvent sollicitées se « carbonisent », d’où l’origine du terme burn-out. Mais c’est à une psychologue américaine, Christina Maslach, qu’on doit sa description précise et son évaluation par un questionnaire, le Maslach Burnout Inventory.
« Une question se pose aujourd’hui, note P. Légeron, où se situe le burn-out dans les maladies mentales ? Il n’apparaît dans aucune classification internationale ».
Est-ce une forme de dépression avec altérations émotionnelles très fortes, ou s’agit-il d’une forme de trouble majeur de l’adaptation survenant chez des sujets exposés à des stresseurs chroniques et qui n’arrivent pas à y faire face ?
« Les facteurs de stress sont nombreux, explique P. Légeron. Avant tout, il s’agit bien sûr d’une charge de travail considérable, mais ce n’est pas le seul facteur. Le travail peut aussi avoir des exigences émotionnelles très fortes, comme lorsque l’on est confronté à des personnes en souffrance ou agressives. L’absence de reconnaissance, que ce soit en terme de salaire ou d’appréciations positives, entre aussi en compte. Le manque d’autonomie et/ou de compétences pour accomplir son travail tout comme des relations professionnelles tendues (voire du harcèlement) expliquent également l’évolution vers un burn-out ».
Le burn-out ne survient pas brutalement chez n’importe qui
Il existe généralement un terrain propice au développement du burn-out. Il apparaît plus volontiers chez un sujet aux antécédents personnels et/ou familiaux de dépression. Mais les études ne permettent pas de conclure que c’est un réel facteur déterminant.
Ce qui semble certain, en revanche, c’est que les individus les plus exposés sont ceux qui accordent énormément de valeur au travail, qui le surinvestissent et en deviennent dépendants, c’est-à-dire « workaholiques ».
Le vrai burn-out, bien différent d’une grande fatigue liée à une charge de travail importante ou d’un simple épisode d’épuisement passager, nécessite un arrêt de travail de plusieurs mois (parfois, une hospitalisation s’impose) suivi généralement d’un reclassement professionnel. Des antidépresseurs sont prescrits à fortes doses et sur une longue durée. Il convient aussi d’y associer une psychothérapie cognitive de reconstruction émotionnelle.
«Mais la vraie prise en charge du burn-out, insiste P. Légeron, est sa prévention. Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer, en contrôlant les charges de travail confiées, en veillant à valoriser l’efficacité et la compétence, et en développant des relations de qualité en leur sein. Quant aux individus ils doivent se protéger du stress avec une hygiène de vie satisfaisante et ne pas surinvestir exagérément dans le travail en ayant d’autres sources d’intérêts. Enfin, il faut repérer précocement les sujets qui pourraient développer un burn-out, lequel ne s’installe pas du jour au lendemain ; c’est ici le rôle de la médecine du travail ».
Entretien avec le Dr Patrick Légeron, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne de Paris, fondateur du cabinet Stimulus, auteur du rapport sur les risques psychosociaux remis au ministre du Travail en 2008
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