Des syllabes en correspondance avec la main

Comment le langage s’est latéralisé

Publié le 19/10/2010
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LES BASES physiologiques de l’asymétrie cérébrale du traitement du langage demeurent mystérieuses. L’asymétrie avec dominance d’un hémisphère porte aussi sur la fonction auditive et l’usage de la main.

Ce sont des traits que les humains partagent avec d’autres espèces de primates et de non primates. Pour rendre compte des origines de la dominance cérébrale du langage, il existe deux grands types de théories.

La théorie motrice de l’évolution du langage postule que la parole a évolué à partir d’un langage manuel préexistant, géré par un contrôle asymétrique des gestes et de la musculature pharyngée. Ce qui peut avoir mené à la latéralisation de la parole et du langage.

À l’inverse, si l’audition et la vocalisation ont précédé l’asymétrie motrice dans l’évolution, la vocalisation s’est graduellement alignée à la gestuelle pour parvenir à une latéralisation des fonctions motrices et des fonctions du langage (de manière prépondérante à gauche).

Pour savoir lequel de ces scénarios peut rendre compte de l’asymétrie du langage, une étude a été réalisée, signée Anne-Lise Giraud, Benjamin Morillon et coll. (de l’Inserm Paris, avec des collaborations de Lausanne et de New York). Les auteurs ont cherché à faire la part des choses, à l’aide d’enregistrements simultanés par IRM fonctionnelle et EEG. Les enregistrements ont été réalisés chez 16 humains volontaires, droitiers (hémisphère dominant à gauche et aire du langage à gauche) au repos et alors qu’ils regardent un film (activité cérébrale évoquée).

On s’est concentré sur l’activité oscillatoire neurale dans les bandes de fréquence spécifiques du langage. Et on a exploré les interactions entre les activités évoquées par une gestuelle, par l’audition et par les sons du langage.

Audition syllabique, bouche, main.

Ainsi, les aires cérébrales associées à l’audition syllabique et aux mouvements de la bouche et de la main correspondent à des motifs d’activité caractéristiques du langage encodé par l’hémisphère gauche dominant. Ce qui apparaît autant lors du repos que lors d’une activité évoquée par les images d’un film.

Les correspondances sont observées pour les sons de nature syllabique et non pour les phonèmes.

« Nos résultats confortent les théories d’une latéralisation du langage qui est apparue à mesure que les correspondances entre le geste et des vocalisations de type syllabique prenaient forme. » Cette correspondance entre les sons syllabiques et les gestes s’est installée au fil des générations, à mesure de l’évolution des humains.

« Le cerveau semble posséder de manière innée l’équipement connectique pour la production des syllabes, mais les phonèmes sont acquis. » L’hypothèse est cohérente avec le développement du langage tel qu’on l’observe chez les enfants à l’audition normale et chez ceux qui sont sourds.

Proc Natl Acad Sci USA, édition en ligne avancée.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8839