La prise en charge de l’accident vasculaire cérébral (AVC) a fait des progrès en France depuis la mise en place du Plan national d'actions AVC 2010-2014, mais encore trop peu de patients bénéficient d’un parcours de soins optimal, en particulier dans la phase post-aiguë, selon un rapport de la Cour des comptes rendu à l’occasion de la Journée mondiale de l'accident vasculaire cérébral ce 29 octobre. « Les gens meurent surtout dans le post-aiguë, explique la Cour des comptes. Il n’y a pas eu d’effort important des pouvoirs publics sur cette phase, en tout cas pas à la hauteur de ce qui a été fait sur la phase aiguë. »
Les membres de la 6e chambre de la Cour des comptes formulent 12 recommandations pour améliorer la situation à moyens constants, et demandent un nouveau plan.
Pas assez de médecins traitants
Le rapport s’appuie sur une analyse de la situation, en juin 2024, de tous les Français hospitalisés pour un AVC au cours de l’année 2022. Près d’un tiers des victimes d’AVC hémorragiques présentant des handicaps lourds n’a pas bénéficié d’une hospitalisation en unité neurovasculaire (UNV). Un tiers des victimes d’AVC ischémiques et hémorragiques (17 000 patients) présentant des handicaps lourds n’ont pas accès aux soins médicaux et de réadaptation (SMR) alors que 10 000 porteurs de handicaps légers ont, eux, été admis. Encore plus choquant : 8 000 des 75 525 patients de 2022 qui ont pu rentrer à domicile n’avaient toujours pas bénéficié d’un rendez-vous de suivi au mois de juin 2024. Mais ce qui indigne le plus les rapporteurs reste le fait que 20 000 victimes d’AVC en 2022 bénéficiant d’une affection longue durée n’avaient pas de médecin traitant deux ans plus tard. « Le parcours optimal de référence ne concerne qu’une minorité de patients aujourd’hui », relate la Cour des comptes.
Les durées de séjour en SMR se sont en outre allongées. « Tous ces facteurs réduisent l’accessibilité des UNV, précise la Cour des comptes, puisque des lits y restent occupés plus longtemps qu’ils ne devraient, faute de places en SMR. Le parcours se grippe sur le passage en post-aiguë ! ». La Cour rappelle également que le programme d’amélioration du retour à domicile (Prado) devrait être plus largement déployé dans tous les établissements de santé disposant d’une UNV : seuls 12 000 patients en ont bénéficié en 2023.
Dans 70 % des cas, les patients ne pouvant revenir à leur domicile sont confiés à un Ehpad ( soit 10 554 victimes d’AVC sur les 15 079 concernés en 2022), y compris, les jeunes. Et ceci alors que le personnel soignant fait défaut. « Il faut former au moins une partie des personnels de ces établissements », enjoint la Cour. Plus globalement, c’est toute la communication entre la filière aiguë et les structures du post-aiguë qu’elle suggère de rénover.
Dans la phase aiguë, le plan AVC encore loin de ses objectifs
Pour ce qui est de la phase aiguë, la Cour des comptes reconnaît les bénéfices apportés par le plan AVC 2010-2014 et notamment la mise en place des UNV, mais les objectifs n’ont pas été remplis selon les rapporteurs. Les 141 UNV prévues ont bien été ouvertes, mais elles ne répondent plus à l’ensemble des besoins aujourd’hui identifiés. L’offre de soin est inégalement répartie : des pans entiers du territoire sont à plus d’une heure de route d’une UNV ou d’un centre équipé en télé-AVC. Par ailleurs, les difficultés de recrutement médical (neurologues, neuroradiologues interventionnels, etc.) et paramédical empêchent certaines unités de fonctionner 24 heures sur 24 et d’accepter tous les patients qu’on lui adresse.
Selon une enquête réalisée auprès des responsables médicaux des UNV par la Cour, en coopération avec la Société française neurovasculaire, 24 % des unités ont dû fermer des lits de soin intensif depuis leur création. La majorité des répondants estime entre 10 et 20 % la part des postes paramédicaux vacants. Alors que 83 % des unités font état de difficultés chroniques de recrutement, 91 % sont contraintes de récuser des patients par manque de lits.
Résultat : à peine 50 % des patients victimes d’AVC passent par une UNV, bien loin des 90 % visés par le plan, et 30 à 40 % des victimes ont un délai d’admission supérieure à 4 heures. La Cour des comptes suggère d’élaborer un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour la filière neurovasculaire, mais aussi de mutualiser des ressources médicales pour assurer la permanence des soins. Elle préconise le renforcement de l’attractivité des fonctions médicales et paramédicales de la filière. Plus globalement, le parcours allant de la prise en charge par un service d’urgences à l’acheminement du patient vers l’UNV ou le service de télé-AVC le plus proche a besoin d’être fluidifié. Ce qui suppose d’actualiser la circulaire ministérielle du 6 mars 2012 relative à l’organisation des filières régionales de prise en charge.
Les rapporteurs notent cependant que les réseaux ont su s’adapter à l’arrivée, à partir de 2015, de la thrombectomie mécanique. Soixante centres dédiés à cette nouvelle activité ont ouvert, mais leur maillage reste insuffisant. La majorité du territoire français est aujourd’hui à plus d’une heure de route d’un service de neuroradiologie interventionnelle à même de pratique une thrombectomie.
La prévention de l’hypertension, à renforcer
Enfin, la prévention primaire de l’AVC « démontre une certaine efficacité » selon la Cour des comptes, mais « rencontre d’importantes limites ». Contrairement à ce qui était prévu dans le plan AVC 2010-2014, il n’y a pas eu de véritable politique de prévention de l’hypertension artérielle, pourtant retrouvée chez 70 % des victimes d’AVC. « Les résultats récents en matière de dépistage et de prise en charge de l’hypertension stagnent, voire régressent pour les femmes », regrette la Cour des comptes, qui plaide pour un plan d’actions s’appuyant sur le médecin traitant. Par ailleurs, certains facteurs de risques spécifiques tels que l’apnée du sommeil, l’usage de drogues ou l’association entre la pilule contraceptive et le tabac restent méconnus.
Le rapport déplore la méconnaissance relative des symptômes par le grand public ; et même en cas d’identification d’un AVC, 32 % des témoins n’appellent pas le 15, mais d’autres services d’urgence comme les pompiers. Si ces derniers sont importants pour pallier les carences ambulancières, le Samu est plus susceptible de bien orienter un patient, dans un contexte où le temps est le facteur clé pour réduire la gravité des séquelles et le risque de décès : moins de 4 heures doivent s’être écoulées depuis le début des symptômes pour pouvoir initier une thrombolyse et moins de 6 heures pour une thrombectomie. La Cour des comptes appelle de ses vœux une stratégie nationale de communication sur la connaissance de l’AVC.
Des marges de progression à moyens constants
Un point positif pour conclure : une enquête menée par la Cour et la société française de médecine générale fait état d’un bon niveau de connaissance des médecins généralistes sur les fondamentaux du sujet (facteurs de risque, examens complémentaires, référencement hospitalier dans les suspicions d’AIT) et de leur grande vigilance cardiovasculaire pour leurs patients.
Selon la Cnam, 4,162 milliards d’euros sont consacrés chaque année à la prise en charge de l’AVC et de ses conséquences, un chiffre réévalué par la Cour à 4,5 milliards d’euros. Plus de 200 millions d’euros pourraient être économisés grâce à une meilleure orientation des patients et coordination des acteurs de santé et une réduction des durées de séjour.
De plus en plus d’AVC, de plus en plus jeune
En 2022, 120 000 nouveaux patients ont été victimes d’un AVC, dont 80 % d’AVC ischémique et 20 % d’AVC hémorragiques. Dans 25 % des cas, le patient est décédé en quelques heures. Outre les séquelles allant jusqu’à la tétraplégie, 25 % des patients récidivent dans les années qui suivent un premier événement. On constate un rajeunissement des patients, souvent en activité professionnelle, alors que la reprise du travail peut s’avérer difficile comme en témoignent les quelque 10 % de victimes de 40 à 89 ans pensionnées au titre de l’invalidité. Une augmentation de 35 % de la prévalence des AVC est anticipée d’ici à 2035.
Savoir évoquer une dermatose neutrophilique
Un Pots encore mal connu
Marfan et enceinte
PID de la sclérodermie systémique