La migraine exerce un impact multidimensionnel, tant sur le plan physique que psychique. Au-delà des céphalées, elle s’accompagne fréquemment de troubles cognitifs, d’un isolement social, d’un épuisement marqué et parfois d’un vécu émotionnel négatif. Lorsqu’elle devient chronique, elle implique, très souvent des renoncements : 9 patients sur 10 déclarent avoir été privés d’activités sociales au cours des six derniers mois. Et plus de la moitié disent se sentir parfois « inutiles à la société ». C’est ce que révèle une enquête* récente réalisée par l’association La voix des migraineux auprès de 1 095 patients chroniques.
Les patients rapportent également une dépendance envers les proches et une culpabilité liée au fait de « faire subir » l’imprévisibilité de la maladie. Près de 8 patients sur 10 affirment, ainsi, en souffrir vis-à-vis de leur conjoint ou de leur famille. Par ailleurs, 38 % avouent subir des remarques désobligeantes ou négatives d’un ou plusieurs proches. Associées aux symptômes, ces remarques entament lourdement le moral des patients : plus d’un migraineux sur deux (52 %) déclare avoir eu des idées suicidaires pendant leurs crises et 43 % en dehors.
Des troubles cognitifs significatifs
Si les céphalées représentent le symptôme le plus connu, des troubles cognitifs peuvent être associés à la maladie. D’après l’enquête de La voix des migraineux, 86 % des patients rencontrent des difficultés d’attention et 81 % des problèmes de mémoire.
« Après la douleur, les troubles cognitifs sont la deuxième cause d’incapacité liée à la migraine et l’un des symptômes les plus gênants. Les troubles les plus fréquents concernent l’attention, la mémoire, l’organisation et le langage. Certains patients peuvent également être concernés par des problèmes d’orientation », indique la Dr Olivia Begasse de Dhaem, neurologue spécialisée dans les céphalées à Stamford (Connecticut) et vice-présidente du Global Patient Advocacy Coalition for Headache.
Ces déficits sont difficiles à objectiver car ils varient selon les phases de la migraine : prodrome, aura, douleur, postdrome. Un test unique, réalisé à un moment donné, n’est donc pas toujours représentatif. « La migraine affecte la cognition dans la mesure où la douleur chronique consomme une grande partie des ressources cérébrales. Certaines régions cérébrales impliquées dans la douleur sont aussi mobilisées pour les tâches cognitives. Des études d’imagerie, chez les migraineux, montrent une activité réduite dans des aires cérébrales (hippocampe, cortex orbitofrontal) ou des différences structurelles. La migraine avec aura semble associée à des troubles cognitifs plus marqués », souligne la neurologue.
Seuil migraineux et rôle des hormones
Si les manifestations cliniques de la migraine varient d’un patient à l’autre, le « seuil migraineux » présente lui aussi une forte variabilité individuelle. « Le seuil migraineux est défini comme le niveau de tolérance à partir duquel une crise se déclenche », affirme le Dr Matthieu Rutgers, neurologue à Bruxelles. Plusieurs facteurs influencent ce seuil : fatigue, stress, exposition à des stimuli sensoriels intenses (bruit, lumière), mais aussi facteurs hormonaux. Plus ce seuil est bas, plus le patient est susceptible de présenter des crises fréquentes, parfois en réponse à des facteurs déclenchants mineurs. « Ce seuil n’est pas fixe : il peut s’abaisser ou, au contraire, s’élever au fil du temps. Après la grossesse ou la ménopause par exemple, il n’est pas rare de voir les migraines disparaître », précise-t-il.
La migraine touche, d’ailleurs, trois fois plus de femmes que d’hommes, un écart qui apparaît à la puberté et culmine entre 30 et 40 ans, en lien avec les fluctuations hormonales. « Les œstrogènes interviennent directement dans les mécanismes cérébraux de la migraine : activation de certaines zones du tronc cérébral, propagation du courant électrique responsable de l’aura, sensibilisation du système nerveux et modulation de neurotransmetteurs comme le CGRP », explique la Dr Virginie Corand, neurologue et membre de la Société française d’étude des migraines et céphalées (SFEMC). La prolactine et l’ocytocine pourraient également moduler la douleur, tandis que la testostérone aurait un effet protecteur.
Au-delà des mécanismes biologiques, l’impact de la migraine se mesure surtout dans le quotidien, où la maladie demeure largement sous-estimée. « La migraine reste une maladie invisible et toujours mal comprise, alors qu’elle bouleverse profondément la vie de millions de personnes. Il est urgent de la reconnaître comme un handicap à part entière afin d’en finir avec la stigmatisation et de permettre une prise en charge adaptée. Sans cette reconnaissance, trop de patients continueront à subir en silence ses impacts sur leur santé, leur famille, leur scolarité et leur vie professionnelle », conclut Sabine Debremaecker, présidente de La voix des migraineux.
Le Sommet Francophone de la Migraine est 100 % digital, interactif et gratuit, à suivre en direct sur Youtube le 20 septembre à 16 h 00 (avec la participation d’Alain Souchon).
* Enquête réalisée en juin et juillet 2025
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