UNE ÉQUIPE FRANÇAISE vient d’apporter la réponse, ou au moins un élément de réponse, à une angoissante question dans les services de réanimation, le patient est-il conscient ? En s’intéressant à l’activité cérébrale de ces malades, des chercheurs de l’INSERM et du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (Paris), sous la direction de Lionel Nakache, ont mis au point un test simple d’évaluation de la conscience. Il se fonde sur la perception auditive et l’enregistrement des réactions cérébrales déclenchées. Il s’adresse aux patients non communicants hospitalisés en réanimation ou à ceux émergeant d’états inconscients tels qu’un coma ou un état végétatif. Chez eux, la clinique ne peut déterminer s’il existe ou non un état de conscience.
Quoique simple, le test ne peut être décrit sans une explication de son principe, reposant sur les travaux antérieurs de l’équipe.
La répétition successive de « AAAAA ».
Lionel Nakache et coll. avaient dans un premier temps mis au point un test fondé sur l’étude de la réponse cérébrale à un stimulus auditif particulier, réponse enregistrée via un casque muni d’électrodes. Le type d’émission sonore avait ici un rôle primordial. En effet, lorsqu’est émise une série de sons identiques, par exemple la répétition successive de « AAAAA », une réponse cérébrale est enregistrée. Si l’on modifie brutalement cette chaîne sonore, en changeant une lettre par exemple « AAAAB » une activité cérébrale spécifique est enregistrée. Ce protocole a été baptisé « violation de la régularité temporelle locale ». Il est connu de longue date. En revanche, il est connu aussi que certains des signaux électriques générés ne sont pas conscients (mismatch negativity ou MMN) et que d’autres correspondent à la prise de conscience du fait nouveau. Ici réside la faiblesse du système, la difficulté de séparer les signaux liés à un état conscient des autres.
Ce test est pourtant utilisé, depuis les années 1990, dans quelques services, auprès de patients en réanimation ou en soins intensifs. Il permet d’établir lesquels sont encore sensibles à l’environnement. Les utilisateurs considèrent qu’une réponse de type MMN fournit un pronostic de sortie du coma de l’ordre de 80 %. Mais la faiblesse du système persiste, le patient est-il conscient ?
Plusieurs dizaines d’essais successifs.
C’est ici qu’intervient le nouveau test. Il est certes plus complexe, mais repose sur une idée simple. Les auteurs le présentent ainsi, il reprend « le principe de l’irrégularité locale en y ajoutant une irrégularité globale ». Plus clairement, les sons entendus ne sont plus une suite de « AAAAA », mais de « AAAAB » (qui devient la normalité) et la violation de la règle est « AAAAA ». Dans cette situation, la compréhension de la règle par le patient requiert l’intégration de l’information auditive sur « plusieurs dizaines d’essais successifs ». Un état de conscience est donc nécessaire. La réussite des chercheurs français est d’avoir pu également isoler la signature électrique de « l’irrégularité globale ».
La mise au point du test a nécessité une validation auprès de sujets sains. De fait, le type de réponse cérébrale est très spécifique de l’état conscient. L’IRM fonctionnelle a confirmé qu’elle active les lobes frontaux et pariétaux connus pour être associés à une activité consciente. Une validation a ensuite été faite auprès de 8 patients.
Reste que le test n’a qu’une valeur prédictive positive, expliquent les chercheurs. L’existence d’un effet global donne la certitude d’un état conscient ; son absence ne signifie pas le contraire, en effet le patient peut être endormi ou atteint de troubles mnésiques.
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