Troubles visuels brutaux et/ou transitoires : une urgence dans 10 % des cas

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Publié le 18/03/2022
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Déterminer le mécanisme le plus probable en fonction du terrain, des caractéristiques du trouble visuel et de l’examen ophtalmologique et neurologique est à la base de la prise en charge. Plus le trouble visuel est éphémère, plus il est potentiellement grave.
Suspecter un glaucome face à un trouble visuel associé à un œil rouge et douloureux

Suspecter un glaucome face à un trouble visuel associé à un œil rouge et douloureux
Crédit photo : Phanie

Les troubles visuels transitoires (TVT) sont des épisodes de baisse d’acuité visuelle ou des troubles du champ visuel spontanément résolutifs en moins de 24 heures. L’origine des TVT peut être oculaire, ischémique - qu'il s'agisse d'accidents ischémiques transitoires (AIT) rétiniens ou cérébraux - ou neurologique (migraine, épilepsie, neuropathie optique, etc.). Des éléments en faveur d’une cause ischémique imposent une prise en charge urgente du fait du risque d’accident vasculaire constitué.

Un trouble visuel monoculaire implique une atteinte de l’œil ou du nerf optique ; un trouble visuel binoculaire correspond généralement à une atteinte du chiasma ou des voies visuelles rétrochiasmatiques et relève du neurologue.

Le caractère brutal du trouble visuel, qu’il soit transitoire ou constitué, correspond le plus souvent à un mécanisme vasculaire ischémique (cécité monoculaire transitoire).

Dans près de 90 % des cas, les TVT fluctuants, persistant plusieurs heures, sont le fait d’une sécheresse oculaire, de fluctuations de la glycémie ou de la pression artérielle (PA).

Les questions à se poser

1. S’agit-il d’une atteinte de l’œil ou des voies oculomotrices ?

Devant un TVT, une vision floue ou une diplopie, disparaissant à l’occlusion de l’un ou de l’autre œil, rechercher une limitation des mouvements oculaires, un ptosis, un trouble de la motricité de la pupille, une asymétrie. Devant un TVT d’apparition brutale et associé à une anisocorie (deux pupilles de taille inégale) et des céphalées, suspecter une compression du nerf oculomoteur lié à un anévrisme : il s’agit d’une urgence. En l’absence d’anisocorie, suspecter une atteinte microvasculaire. Si les TVT sont fluctuants, suspecter une maladie de Horton.

Un trouble visuel associé à un œil rouge et douloureux évoque une atteinte type glaucome aigu ou une uvéite antérieure aiguë.

2. S'il s'agit d'une atteinte visuelle, est-elle mono- ou binoculaire ?

Faire un test de vision alternée de chaque œil. Si le trouble a disparu en consultation, l’existence d’une gêne à la lecture et d’un trouble du champ visuel à limite verticale sont des arguments en faveur du caractère binoculaire. Une atteinte binoculaire symétrique traduit une atteinte des voies visuelles rétrochiasmatiques (AIT, AVC, migraine).

3. Quelle a été la durée de l’épisode ?

Un épisode bref monoculaire, le plus souvent inférieure à une heure, ayant régressé au moment de la consultation, évoque une cécité monoculaire transitoire, urgence qui doit être considérée comme un AIT.

4. Y a-t-il eu des facteurs déclenchants ?

Un TVT monoculaire lors d’une forte luminosité oriente vers un mécanisme hémodynamique secondaire à une sténose serrée de la carotide. L’activité physique ou l’augmentation de la température corporelle (bain chaud, fièvre) peut provoquer une baisse visuelle chez les patients ayant une sclérose en plaques avec antécédent de névrite optique (phénomène d’Uhthoff). Un trouble visuel monoculaire transitoire (TVMT) exclusivement dans certaines positions du regard peut être en faveur d’une compression par une masse orbitaire.

5. Existe-t-il des signes associés, un contexte clinique particulier ?

Après 50 ans, l’association d’un TVMT à des céphalées, une hyperesthésie du cuir chevelu, une claudication de la mâchoire, des douleurs des ceintures, une altération de l’état général, évoque une artérite de Horton.

Avant 50 ans, un flou visuel binoculaire avec scotome scintillant de quelques minutes suivi d’une céphalée pulsatile, souvent hémicrânienne peut être le fait d’une migraine avec aura.

L’association à un syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux est en faveur d’une dissection carotidienne. La survenue d’un TVMT douloureux lors d’un passage dans la pénombre ou après instillation d’atropiniques chez un patient hypermétrope souvent âgé oriente vers une crise de glaucome par fermeture de l’angle.

Une perte de connaissance, des étourdissements, une diplopie, une dysarthrie ou un déficit moteur focal accompagnant la perte visuelle suggèrent des problèmes de perfusion, impliquant souvent le tronc cérébral ou le cortex.

Ce qu'il faut faire

1. Examen ophtalmologique

La détection d’un œil rouge, d’une exophtalmie, d’une inégalité pupillaire, d’une amputation du champ de vision, d’une limitation des mouvements oculaires peut être observée par le médecin généraliste. L’examen du globe oculaire et de son contenu est du ressort de l’ophtalmologiste.

2. Examen neurologique

L’interrogatoire recherche d’éventuels antécédents neurologiques, une épilepsie, les signes d’un AIT vertébrobasilaire (dysarthrie, vertige, dysphagie ou ataxie), l’examen clinique neurologique, un déficit sensitivo-moteur.

3. Bilan étiologique

VS et CRP après 50 ans ; recherche d’un syndrome sec.

Doppler des troncs supra-aortiques et IRM cérébrale, voire angioIRM.

Bilan cardiovasculaire.

4. Le traitement des TVT prévient les récidives.

Ce qu'il faut retenir

Un TVT est une urgence diagnostique et thérapeutique. Elle implique un examen ophtalmologique et neurologique.

Devant un TVT, distinguer une atteinte oculomotrice d’une atteinte oculaire puis déterminer si elle est mono- ou binoculaire.

Un trouble visuel monoculaire bref (quelques secondes à quelques minutes) est une urgence et doit être considéré comme un AIT jusqu’à preuve du contraire.

Des troubles oculomoteurs fluctuants doivent faire éliminer un Horton (VS, CRP).

Des troubles visuels prolongés et fluctuants au cours d’une journée peuvent être le fait d’une sécheresse oculaire, de variations de la PA, d’une hypoglycémie.

D’après un entretien avec le Dr Rabih Hage, neuro-ophtalmologiste, Fondation ophtalmologique Rothschild, Paris

Dr Caroline Martineau

Source : Le Quotidien du médecin