Vous menez une étude sur les abcès péri-amygdaliens. Pourquoi ce travail ?
Nous avons observé ici à Nantes notamment dans les services d’urgence, et cela a été confirmé au niveau national, une augmentation du nombre d’abcès péri-amygdaliens depuis 2002. Partant de ce constat, nous avons fait des rapprochements entre le développement des tests de diagnostic rapide (TDR) des angines et un possible effet pervers de ces tests de diagnostic rapide sur la prescription des antibiotiques.
Je m’explique. Jusque dans les années 2000, il existait un dogme, une règle enseignée dans toutes les facultés de médecine et pratiquée par tous les médecins de France : « Toute angine doit bénéficier d’une antibiothérapie ». Nous nous sommes demandé si l’utilisation des TDR était à l’origine soit d’une sous-prescription d’antibiotiques, soit d’une trop grande prescription d’anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens dans les angines devenus dangereux du fait de la baisse des prescriptions antibiotiques
Pourquoi les anti-inflammatoires ?
D’abord parce que beaucoup de médecins prescrivent des anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens dans les angines. Cela ne figure pas dans les recommandations mais c’est une habitude prise depuis fort longtemps. Dans la mesure où toutes les angines étaient mises sous antibiotiques, cette prescription d’anti-inflammatoires ne semblait pas poser de problèmes identifiables. Mais il n’est pas exclu qu’à partir du moment où les TDR sont introduits et font partie de la démarche conduisant à la décision de traiter ou pas par antibiotique, cet effet iatrogène des anti-inflammatoires qui jusqu’à présent n’apparaissait pas soit mis en évidence chez des malades sans antibiotiques. Pour le vérifier, nous avons lancé, en 2009, une étude multicentrique nationale.
Où en êtes-vous ?
L’étude est terminée. Elle a permis d’inclure 412 malades hospitalisés pour un abcès péri-amygdalien dans les services d’urgence et d’ORL de 13 CHU français entre 2010 et 2012. Selon mes informations, c’est la plus grosse cohorte d’abcès péri-amygdaliens publiée ou en instance d’être publiée. L’étude elle-même comporte deux parties : une étude observationnelle et une enquête cas/témoin. Dans ce deuxième volet, l’ambition était d’associer à chaque patient se présentant avec un abcès péri-amygdalien, 2 patients témoins. Le médecin traitant qui avait référé le malade était contacté afin de retracer l’histoire de la maladie mais aussi pour retrouver dans ses archives immédiates deux autres patients qui avaient également consulté pour un mal de gorge mais qui n’avaient pas développé d’abcès péri-amygdalien. Nous n’avons pas atteint cet objectif de 2 témoins sans abcès pour 1 patient. Nous en sommes à moins de 1 témoin pour 1 cas. C’est une limite méthodologique qui pose quelques problèmes d’interprétation statistique. Mais nous espérons une publication d’ici la fin de l’année dans une revue à bon facteur d’impact.
Peut-on avoir quelques résultats ?
Les premiers résultats de l’étude observationnelle ont été présentés au Congrès national des urgences les 6 et 7 juin derniers. Ils montrent que 70 % des 412 patients ayant présenté un abcès, ont été exposés aux anti-inflammatoires stéroïdiens ou non-stéroïdiens et que 62 % d’entre eux, avaient eu une antibiothérapie avant de développer un abcès.
En ce qui concerne le test de diagnostic rapide, moins de 20 % (19 %) des patients en ont bénéficié. L’étude révèle aussi que 94 % des patients qui ont eu un test de diagnostic rapide positif, ont reçu des antibiotiques. Par ailleurs, 36 % des patients dont le test de diagnostic rapide était négatif ont quand même reçu des antibiotiques.
On peut retenir de ces premiers résultats d’une part, que le test de diagnostic rapide est encore loin d’être une pratique systématique chez les médecins et que d’autre part, même quand il est négatif, les patients reçoivent une antibiothérapie dans un tiers des cas.
Que pouvez-vous dire de l’étude cas-témoins ?
Le seul résultat que l’on peut dévoiler aujourd’hui est qu’il existe bien une association significative entre la prescription d’anti-inflammatoire en automédication et l’apparition d’un abcès.
Vous comprenez l’inquiétude des ORL ?
Je comprends bien leur inquiétude même si l’étude montre que le TDR n’est pas très pratiqué.
En revanche, elle montre clairement que les anti-inflammatoires non stéroïdiens, délivrés pour la plupart sans ordonnance, sont associés à ces complications de l’angine qui préoccupent les ORL et que nous voyons également dans les services d’urgence. Il convient d’être prudent.
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