La consultation auprès d’un adolescent, c’est tout un art. Celui d’examiner sans paraître intrusif, et d’éduquer sans attitude moralisatrice. Un véritable exercice de funambule qui requiert une capacité : celle de se mettre à la place du patient.
Et, quand des générations nous séparent, la manœuvre peut s’avérer embarrassante. Un gap générationnel, où vient se nicher l’intérêt du serious game « Clash-back » dont le Dr Xavier Pommereau, psychiatre, chef du Pôle aquitain de l’adolescent (Centre Abadie) au CHU de Bordeaux, se fait le fervent défenseur. Ce qu’il décrit comme un « outil de médiation destiné à faciliter le dialogue entre un adulte et un – ou plusieurs – adolescents » n’est autre qu’un jeu vidéo à l’ambition non seulement éducative mais thérapeutique.
« Relou versus borderline »
Le premier épisode de « Clash-Back », diffusé depuis le mois de décembre, met en scène un conflit entre un père moralisateur et sa fille impulsive. Autrement dit, un « clash » entre un daron « relou » et sa fille « borderline ». Le thème ? Se faire ou ne pas se faire tatouer (une salamandre sur la cuisse gauche). Le dialogue est mené par chaque joueur qui choisit ses répliques parmi les propositions faites. Doté d’une riche arborescence, le jeu permet d’évoluer vers une myriade de scenarii différents, qui peuvent s’achever sur un « clash » en 10 minutes ou s’étirer sur trois bons quarts d’heure. À l’issue du jeu, un « bilan » est proposé par l’avatar du Dr Pommereau, qui établit un profil de personnalité élaboré sur 5 critères : adaptabilité, maîtrise de soi, sincérité, expression émotionnelle et analyse de la situation. Une manière ludique d’aborder des thématiques aussi sérieuses que l’hygiène, le divorce parental, la souffrance psychique, etc.
Mise à distance
Initialement destiné à un usage institutionnel, comme médiation thérapeutique, le jeu est aujourd’hui à disposition des parents pour un usage individuel. Et si les parents se saisissent de cet outil, les adolescents n’y sont pas réfractaires. « Ça leur plaît », témoigne Xavier Pommereau. Et pour cause, le vocabulaire utilisé est le leur, de l’insulte la plus « trash », au « papounet » plus ou moins hypocrite. Co-écrit avec les adolescents, et testé sur 500 d’entre eux, l’adhésion de ces derniers ne fait aucun doute. Parce qu’on parle leur langue, sur un support qui est le leur. « On ne peut plus faire comme si la révolution numérique n’existait pas », assène le Dr Pommereau. Qui ajoute : « On peut continuer à dénoncer les méfaits d’Internet et des nouvelles technologies, tout en usant de leurs bienfaits éducatifs et pourquoi pas thérapeutiques. » C’est ainsi que le Dr Pommereau travaille aujourd’hui au sein du pôle adolescent bordelais, usant de Clash-Back comme support thérapeutique, en groupe ou en consultation individuelle. Et incite tout praticien, médecins généralistes comme psychiatres, à faire de même. Près de 15 % des adolescents sont aujourd’hui en grande souffrance, se saisissant de cette vaste échappatoire que constituent Internet et les réseaux sociaux. « Les adolescents d’aujourd’hui sont angoissés parce que leurs parents sont angoissés. Ils ont une pression considérable de toute part », souligne le spécialiste. Quoi de mieux alors qu’un jeu pour mettre à distance les conflits, élaborer des ouvertures, et pourquoi pas…en rire ?
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