De nombreuses sociétés savantes et associations de professionnels* se sont alarmés en début d'année du recours anormalement élevé à la frénotomie buccale chez le nourrisson et l'enfant après leur séjour en maternité. Cette technique chirurgicale, qui consiste à sectionner le frein de la langue, de la lèvre ou de la joue, n'est pas sans risque, alors que son bénéfice n'est pas toujours clair. Le collectif a émis plusieurs recommandations pour lutter contre les pratiques abusives.
« Face à l’accroissement très important sur tout le territoire de réseaux proposant, à des tarifs excessifs, de traiter par frénotomie buccale les douleurs mamelonnaires et l’arrêt précoce d’allaitement, ou pire de la pratiquer à titre préventif, des sociétés savantes, des collèges professionnels et des associations émettent les plus grandes réserves quant à l’intérêt et l’innocuité de ce geste invasif à risque d’effets secondaires », est-il écrit dans un communiqué commun.
Effets secondaires et récidives
Le collectif mettait notamment en cause « des publications se disant scientifiques sans présenter la rigueur méthodologique indispensable à toute recherche » et le rôle des réseaux sociaux. Les recommandations nationales et internationales ainsi qu'une revue Cochrane ont mis en évidence le manque d'études scientifiques solides dans ce domaine, et donc un manque de consensus concernant les définitions anatomiques et la prise en charge. Il existe un risque d’effets secondaires (hémorragies, lésion collatérale tissulaire, obstruction des voies respiratoires, refus de tétée…) et de récidives, les parents doivent en être informés.
Au vu de ces constats, cinq recommandations ont émané des sociétés savantes et des collèges de professionnels. Premièrement, la présence d'un frein de langue court et/ou épais ne doit pas être une indication chirurgicale en l’absence de difficultés.
Deuxièmement, le collectif a plaidé, en cas de difficultés, pour une démarche diagnostique scientifique menée par des professionnels qualifiés, « respectant une médecine fondée sur des preuves, prenant en compte l’état général global de l’enfant, complétée d’une évaluation rigoureuse anatomique et surtout fonctionnelle de la succion/déglutition de l’enfant ». La décision d'une intervention, « restant exceptionnelle », devra être prise en accord avec le médecin traitant.
Troisièmement, une frénotomie aux ciseaux peut être indiquée après avoir informé les parents du rapport bénéfice/risque de cette pratique, « à condition qu’il existe un frein lingual antérieur court et/ou épais et uniquement après échec des mesures conservatrices non chirurgicales classiquement mises en place ». Aucun geste intrabuccal n’est nécessaire les jours suivant l'intervention, est-il précisé.
Quatrièmement, il est recommandé que « des études méthodologiquement rigoureuses ciblant les indications, l’efficacité et la tolérance de la frénotomie soient menées à terme sans délai ». Enfin, le collectif préconise d'améliorer la préparation à l’allaitement et la formation des professionnels afin de favoriser la prise en charge non chirurgicale.
*dont l'Association française de pédiatrie ambulatoire, la Société française de chirurgie orale, la Société française de médecine périnatale, la Société française de néonatalogie et la Société française de pédiatrie
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