L’adolescence est en général un moment critique dans le suivi des asthmatiques. « Or, si un adolescent souffre d’asthme sévère (10 % des asthmes), il risque d’en souffrir toute sa vie. Certes, il existe des rémissions à l’adolescence ou "lune de miel" mais elles concernent moins de 20 % des asthmatiques…et rarement l’asthme sévère, même si celui-ci peut être bien contrôlé à l’adolescence. Pourtant, nombre d’adolescents vont arrêter le traitement, le suivi, etc., même lors d’asthme sévère (1) », explique le Dr Camille Taillé (CHU Bichat).
Planifier, organiser la transition.
« Les adolescents asthmatiques ont généralement été suivis toute leur enfance par un pédiatre de façon très paternelle ou maternelle. Le passage à une médecine de l’adulte, non organisée pour l’asthme, peut sembler un peu brutal », explique le Dr Taillé.
« Une des solutions serait d’essayer de se calquer sur les centres de référence de la mucoviscidose, où a été mise en place une organisation réfléchie du passage de la consultation pédiatrique à celle des adultes. De la même manière, dans l’asthme sévère, il faudrait que le réseau pédiatrique soit en contact avec un réseau de pneumologues pour adultes. Et que l’on prépare la transition via des consultations conjointes – l’enfant verrait ensemble une fois pédiatre et pneumologue– ou alternées – l’enfant reverrait le pédiatre après la consultation d’adulte (2) », propose le Dr Taillé.
En effet, si l’asthme modéré contrôlé peut la plupart du temps être pris en charge en ville par le généraliste ou le pneumologue, l’asthme sévère impose une prise en charge au sein d’une filière pneumologique hospitalière.
Adapter la consultation aux ados.
« De leur côté, il faut que les pneumologues d’adultes se préparent à recevoir un adolescent. La problématique posée par les adolescents n’est pas la même que celle des jeunes adultes (2). Sans compter que l’adolescence est une période de défi, de mise en danger », souligne le Dr Taillé.
« Un premier point, crucial, est de prévoir un temps assez long pour la première consultation et d’adapter les heures de rendez-vous aux activités scolaires. Sans oublier d’aborder des problématiques particulières à l’adolescence, en particulier le tabac et le cannabis. Et explorer les freins à l’observance. »
Les adolescents asthmatiques veulent être « comme les autres ». Ils sont donc réticents à utiliser leur traitement en public. Ce qui pose problème notamment pour le sport, les soirées enfumées… Il faut du coup réfléchir à d’autres outils d’éducation thérapeutique, comme par exemple utiliser un adolescent référent (asthmatique) pour certaines séances. Et aborder la question de l’avenir professionnel : asthme et allergies pouvant imposer d’abandonner ou modifier certains projets.
Enfin, tout en respectant leur besoin d’autonomie et de liberté, il faut savoir s’appuyer sur les parents (1,2). Et donc essayer de qualifier si les parents sont aidants, surprotecteurs, négligents…
Ne pas balayer ce qui a été fait.
« Les pédiatres ont généralement déjà fait un très gros travail d’éducation thérapeutique. Il a rendu ces enfants très autonomes dans la gestion de leur asthme. Ce qui peut expliquer qu’ils ne ressentent pas le besoin d’un suivi médical. Or il ne faut surtout pas casser ce qui a été fait mais le reconnaître et le valoriser », souligne le Dr Taillé. « Donc, même si les pratiques du pneumologue d’adulte sont différentes, il faut être très attentif à maintenir l’homogénéité du discours médical. Ne pas balayer ce qui a été fait. Ce qui suppose une transmission », souligne le Dr Taillé.
Résultat, si on veut modifier la prise en charge, le changement doit être progressif et bien expliqué. D’autant qu’il n’y a pas de spécificité du traitement à l’adolescence, en dehors de l’adaptation des doses de corticoïdes inhalés. « À l’adolescence c’est l’observance et le suivi qui posent problème, résume le Dr Taillé. C’est pourquoi si un adolescent manque sa consultation, il faut savoir aller le chercher, lui proposer un autre rendez-vous. Bref, l’accompagner encore ». En effet si ces jeunes sont souvent déjà convaincus que le traitement est bénéfique, le plus dur reste d’admettre que la maladie va rester.
D’après un entretien avec le Dr Camille Taillé (CHU Bichat).
(1)MJ Bitsko, RS Everhart, BK Rubin.The Adolescent with Asthma. Paediatr. Respir. Rev. 2013, http://dx.doi.org/10.1016/j.prrv.2013.07.003
(2) C Taillé. Adolescent asthmatique : quelles particularités ? Congrès de pneumologie de langue française (CPLF) 2014.
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