« La pneumonie aiguë communautaire est une pathologie très fréquente, en particulier chez le sujet âgé. Par définition, c’est une infection contractée en dehors de l’hôpital. Dans les pays occidentaux, on est autour de 20 à 30 cas pour 100 000 personnes par an. Passés 80 ans, l’incidence monte jusqu’à 150 cas/100 000. Or, c’est une pathologie sévère. Elle représente la première cause associée de décès dans notre pays – à une maladie sous-jacente, de type cancer, insuffisance cardiaque, etc., qu’elle vient décompenser », souligne d’entrée le Pr Yann-Erick Claessens (CH Princesse-Grace, Monaco). Résultat, la morbimortalité et les coûts de santé associés sont importants. Bien que la majorité des patients soient pris en charge en ambulatoire, le coût des hospitalisations avoisine les 30 milliards par an en Europe.
Un faisceau d’éléments
Aucun signe clinique ou radiologique n’est totalement spécifique. « C’est un ensemble d’éléments cliniques et d’imagerie, associés au bon sens du clinicien, qui signent le diagnostic », résume le Pr Claessens. À savoir, en clinique, les signes d’infection respiratoire – toux, dyspnée, polypnée, expectoration, douleur thoracique, crépitants localisés – et des signes d’infection systémique – tachycardie, fièvre. On peut parfois avoir un foyer de crépitant unilatéral, très parlant si on a un antécédent d’auscultation normale, ce qui est rare. Côté imagerie, on se fonde sur une radiographie du thorax. « Elle n’est pas très spécifique puisque, une fois sur trois, l’image est normale malgré la pneumonie et, à l’inverse, une fois sur trois, l’image est anormale en absence de pneumonie. C’est pourquoi, à l’avenir, elle pourrait être complétée en ville par une échographie pulmonaire, à même d’affiner le diagnostic », note le Pr Claessens.
« Le meilleur examen biologique est l’analyse des crachats. Mais il est peu aisé à réaliser en ville. Les autres marqueurs biologiques, CRP comprise, ne sont pas recommandés en ambulatoire. Ce marqueur d’infection bactérienne peut en effet tarder à monter. Les médecins généralistes peuvent cependant y avoir recours s’ils en ont l’habitude », explique le Pr Claessens.
Les hémocultures sont peu contributives. Les tests PCR recherchent, dans les voies aériennes supérieures, des germes colonisant les voies aériennes basses : ils ne sont pas recommandés en ville, sauf en ce qui concerne la grippe en saison épidémique, le Covid-19 et le VRS.
Suivi rapproché les 72 premières heures
« Il est primordial de grader la sévérité de l’atteinte pour hospitaliser au plus tôt si besoin. C’est pourquoi l’évaluation initiale est primordiale », souligne le Pr Claessens.
En pratique, plutôt qu’un score complexe, la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) recommande le recours au score CRB65, qui prend en compte quatre critères de gravité : des signes d’altération de conscience (Confusion), une fréquence respiratoire ≥ 30/min (Respiration), une pression artérielle systolique < 90 mmHg ou une pression artérielle diastolique ≤ 60 mmHg (Blood pressure), un âge ≥ 65 ans. La présence d’au moins deux de ces critères de gravité suggère une hospitalisation.
Un suivi avec réévaluation à 48 heures est nécessaire. « Il faut savoir que les 72 heures premières heures sont cruciales, surtout en présence d’une pathologie sous-jacente. C’est pourquoi, en ville, on doit informer le patient des signes de gravité et lui recommander de reconsulter sans attendre en cas de dégradation, d’appeler le 15 ou de se rendre aux urgences », souligne le Pr Claessens.
En revanche, un contrôle radiologique à distance n’est pas utile, sauf chez un patient tabagique, âgé de plus de 50 ans ou chez qui des symptômes persistent au-delà six semaines. Une étude américaine montre en effet le peu de rentabilité de ce contrôle radiologique systématique : il n’y a guère plus de 3 à 5 % de clichés anormaux à six semaines.
Traitement antibiotique probabiliste bref
L’écologie des pneumonies aiguës communautaires est dominée par le pneumocoque. On peut néanmoins être confronté, en particulier lors de comorbidités, à des Hæmophilus, des klebsielles et autres entérobactéries, ou à des germes intracellulaires. Mais c’est le pneumocoque que l’on cible en première intention.
« Le pneumocoque restant généralement sensible en première intention à l’amoxicilline, c’est le traitement de choix, associé éventuellement à de l’acide clavulanique lors de comorbidités et/ou à 65 ans passés. A contrario, on évite désormais les fluoroquinolones, vu les effets secondaires et le risque de sélection de mutants résistants », rappelle le Pr Claessens.
Depuis 2017 (recommandations Spilf), la durée du traitement antibiotique – autrefois de 7 à 10 jours – a été ramenée à cinq jours de traitement. Plusieurs études récentes suggèrent que l’on pourrait se limiter à trois jours de traitement (VO). Il est donc probable que l’on adapte à l’avenir la durée du traitement au patient et à son suivi clinique, avec un raccourcissement de la cure en cas d’évolution favorable rapide.
« Enfin, il ne faut pas oublier la prévention. Elle est fondée, chez le sujet âgé et/ou comorbide, sur la vaccination antigrippale et antipneumococcique », rappelle le Pr Claessens.
Entretien avec le Pr Yann Erick Claessens (SFMU, CH Princesse-Grace, Monaco)
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