DE NOTRE CORRESPONDANTE
CHEZ LES PATIENTS en syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) qui nécessitent une ventilation mécanique, le positionnement en décubitus ventral (DV) est une option thérapeutique depuis de nombreuses années pour améliorer l’oxygénation. Les études ont montré que le DV améliore l’oxygénation et prévient les lésions pulmonaires induites par la ventilation mécanique, mais les essais randomisés contrôlés n’ont pas montré jusqu’ici de réduction de la mortalité. Une méta-analyse a suggéré néanmoins que la survie était améliorée avec le DV chez les patients les plus hypoxémiques.
L’étude Proseva a donc été débutée en 2008 afin d’évaluer l’effet sur la mortalité de la mise précoce en DV chez les patients en SDRA sévère. Dans cet essai randomisé contrôlé multicentrique (27 services de réanimation dont 26 en France), 466 malades avec SDRA sévère (PaO2/FIO2 ‹ 150 mmHg, avec FIO2 ≥ 60 %, PEP ≥ 5 cm H2O, et volume courant (VT) proche de 6 ml/kg de poids corporel estimé) ont été affectés par randomisation à des séances de DV pendant au moins 16 heures par jour (plus longues que dans les précédents essais), ou à rester en décubitus dorsal (DD). Les résultats publiés par le Pr Claude Guérin (hôpital de la Croix Rousse, Lyon) et coll. dans le NEJM montrent un effet thérapeutique considérable. « Cette pratique a été initiée dès 1985 à Lyon à l’hôpital de la Croix Rousse et nous avions publié en 2001 sur ce sujet, explique le Pr Claude Guérin, et dans le Jama en 2004. Ces derniers résultats montrent qu’il n’y a pas plus de complications d’extubation, de coudures de sonde qu’en position dorsale. Mais, insiste le Pr Claude Guérin, notre équipe s’est formée doucement et longtemps. Nous avons effectué un gros ciblage des patients ce qui suggère que ces résultats ne peuvent pas être reproduits sur toute population SDRA ».
4 séances par patient.
Les séances de DV (en moyenne 4 séances par patient) réduisent de moitié la mortalité à 28 jours (16 % contre 33 % avec la ventilation en DD). La différence dans la mortalité émerge dans les quelques jours après le début de l’étude et persiste à 90 jours (24 % contre 41 %). « Sur le plan physiopathologique, on améliore la ventilation alvéolaire dans les régions dorsales qui continuent à être perfusées, explique le Pr Guérin. On minimise également le stress et le strain, car on homogénéise la distribution des contraintes ».
Le taux de complications ne diffère pas entre les 2 groupes, à l’exception d’arrêts cardiaques plus fréquents avec la ventilation en décubitus dorsal (31, contre 16 avec le DV). Plusieurs remarques doivent être notées.
Premièrement, la technique du retournement en position ventrale n’est pas simple et nécessite un effort coordonné d’une équipe d’au moins 3 personnes (une vidéo accompagne l’étude).
Or, tous les centres participant à l’étude étaient expérimentés dans la technique du retournement des patients en DV (avec une pratique quotidienne depuis plus de 5 ans), un fait reflété par l’absence de complications liées au retournement. Par conséquent, les excellents résultats de l’étude ne sont pas forcément généralisables aux centres inexpérimentés.
Deuxièmement, l’essai concerne un groupe hautement sélectionné qui représente moins de 15 % des patients en SDRA.
Enfin, les patients étaient inclus après une période de stabilisation de 12 à 24 heures durant laquelle les critères du SDRA étaient confirmés, éliminant ainsi les patients ayant une amélioration rapide et contribuant a la sélection de patients ayant un SDRA plus sévère.
Le Dr Guy Soo Hoo (Université de Los Angeles), auteur d’un éditorial, estime que ces résultats changeront la prise en charge des patients avec SDRA sévère. Jusqu’ici, la ventilation en DV était restée une intervention sous-utilisée, probablement dû à la perception de l’absence de bénéfice en terme de survie, ainsi qu’a la difficulté technique du retournement et ses risques de complications.
Mais prévient le Pr Guérin, « Il ne faut pas se lancer " à fond" dans cette technique. Nous avions beaucoup de critères de non-inclusion et une population SDRA très ciblée, il sera donc difficile de reproduire une population SDRA qui puisse bénéficier de cette technique ».
NEJM, 20 mai 2013, Guerin et coll, Etude Proseva
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