L’essai CHAMPION publié en 2011 avait pour objectif d’étudier l’intérêt d’une surveillance continue ambulatoire des pressions pulmonaires (PP) par un capteur de pression micro-électromécanique sans fil, définitivement implanté dans les vaisseaux pulmonaires (CardioMEMS, [1]). Cette étude a randomisé 550 patients ayant une insuffisance cardiaque (IC) de classe NYHA III (depuis plus de 3 mois, quelle que soit leur fraction d’éjection ventriculaire gauche, [FEVG]) après implantation du dispositif, 270 dans le groupe traité et 280 dans le groupe contrôle. Elle a montré une réduction significative de 28 % des réhospitalisations liées à l’IC à 6 mois et de 37 % à 15 mois, une amélioration significative de la qualité de vie et une adaptation plus fréquente du traitement médical dans le groupe traité. La réduction des hospitalisations liées à l’IC était observée que la FEVG soit supérieure ou inférieure à 40 %.
Un dispositif approuvé par la FDA
L’analyse statistique de cet essai a été critiquée par la Food and Drug Administration (FDA) du fait de la grande dispersion du critère primaire ; des réserves ont été également formulées sur la méthode en raison d’une intervention experte dans le groupe traitement rendant difficile l’attribution de l’effet au dispositif seul ou à l’association dispositif et prise en charge experte, sans remettre en cause toutefois la sécurité d’utilisation du dispositif (2). Le panel d’experts a formulé dans un premier temps un doute sur l’efficacité du dispositif mais la revue de données ancillaires a infirmé ensuite cette décision et la FDA a finalement approuvé le dispositif pour le suivi des patients IC.
Deux études relancent la discussion
Deux analyses complémentaires présentées lors du congrès de l’ACC en 2015 viennent compléter les résultats et relancer la discussion concernant le bénéfice du télésuivi ambulatoire des pressions pulmonaires. La première (3) s’est intéressée au suivi des patients après « levée d’aveugle » en donnant accès aux médecins aux valeurs des PP dans le groupe contrôle (n = 170) et traitement (n = 177) pendant un suivi moyen de 13 mois : il a été observé une réduction de 48 % des hospitalisations liées à l’IC dans l’ancien groupe contrôle et une pérennisation des résultats dans le groupe traité. La deuxième analyse (4) a montré chez les patients avec une FEVG ≤ 40 % (83 % des patients de CHAMPION) et traités de façon optimale selon les recommandations une réduction significative des réhospitalisations pour IC (IEC ou AA2 : - 41 % ; bêtabloquants : - 34 %, IEC ou AA2 et bêtabloquant associés : - 43 %) et de la mortalité (IEC ou AA2 : - 52 % ; bêtabloquants : - 41 %, IEC ou AA2 et bêtabloquant associés : - 57 %).
La deuxième grande étude est l’étude COMPASS-HF (5) qui a inclus 274 patients en classe III ou IV de la NYHA tous implantés d’un moniteur hémodynamique (électrode dans le ventricule droit, reliée à un boîtier, Chronicle) et randomisés en un groupe traitement (accès aux données hémodynamiques) et un groupe contrôle (pas d’accès à ces données). Il a été observé dans le groupe traité une diminution non significative de 21 % du critère primaire (hospitalisations, visites dans les services d’urgences, et visites en service d’urgence nécessitant un traitement intraveineux) au terme d’un suivi de 6 mois.
D’autres systèmes tels que des capteurs de pression dans l’oreillette gauche implantés par voie transseptale sont en cours d’évaluation. Dans leur ensemble, ces études démontrent l’intérêt potentiel de la télésurveillance continue des pressions pulmonaires pour le suivi et l’optimisation hémodynamique des patients avec IC modérée - et ce probablement quelle que soit la FEVG. Mais d’autres essais sont encore nécessaires pour limiter les biais et confirmer le bénéfice réel de ces dispositifs sur de plus grands effectifs avec des critères d’évaluation objectifs ainsi que des protocoles d’adaptation des traitements clairement définis et identiques dans les 2 groupes de suivi. Au-delà du bénéfice-risque, le coût de ces systèmes devra également être évalué.
(*) Nous ne discuterons pas les études mesurant la congestion thoracique par impédancemétrie.
(1) Abraham WT et al. Lancet 2011;377:658–66
(2) Loh JP et al. J Am Coll Cardiol 2013 ;61:1571-6
(3) Abraham WT et al. Abstract 1 113-170.
(4) Abraham WT et al. Abstract 902-04.
(5) Bourge RC et al. J Am Coll Cardiol 2008;51:1 073-9
(6) Abraham WT et al. Nat Rev Cardiol 2014;11:576–85
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