Les pneumopathies communautaires pèsent lourd en termes de santé publique. Aux États-Unis, on estime qu’elles étaient responsables en 2019 de plus de 1,5 million d’hospitalisations et représentaient la neuvième cause de décès (près de 50 000). Dans ces pneumopathies plus ou moins sévères, les corticoïdes semblent avoir des effets bénéfiques, sans incidence significative sur la mortalité, dans plusieurs études randomisées, à l’exception d’une seule. Et les résultats des métaanalyses sont discordants. Pour éclairer le débat, une étude française multicentrique menée en aveugle s’est à nouveau penchée sur cette problématique, en se concentrant ici sur les formes sévères (1). Ses résultats mettent en évidence qu’un traitement par hydrocortisone versus placebo, initié précocement est associé à une réduction significative de la mortalité à un et à trois mois.
Une étude multicentrique en double aveugle
L’étude, arrêtée après la seconde analyse intermédiaire, porte sur 800 patients admis pour pneumopathie communautaire sévère en soins intensifs dans l’un des 31 centres français participants. Ce sont des sujets de 67 ans d’âge moyen, dont 70 % d’hommes. Parmi eux, près d’un quart souffrent de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), près de 5 % d’asthme et autour de 6 % étaient sous immunosuppresseurs. Leur score médian de sévérité (pulmonary severity index) est autour de 130, avec une large majorité de patients en classe IV ou V.
La recherche du pathogène a été laissée à la discrétion des soignants. Néanmoins, la recherche d’un virus grippal était recommandée en période épidémique et sa mise en évidence menait à l’exclusion de l’essai.
Tous les patients ont été traités de manière standard – antibiotiques, soins de support – plus, après randomisation, placebo ou hydrocortisone (200 mg/j IV durant 4 à 8 jours puis à doses décroissantes sur un total de 8 à 14 jours), initié dans les 24 heures après l’émergence d’un critère de sévérité au sein des soins intensifs.
Le support ventilatoire était laissé à la discrétion des soignants. À l’entrée, près de la moitié de ces patients ont été mis sous ventilation mécanique, soit invasive (23 %) soit non invasive (22 %), les autres étaient majoritairement sous oxygène par canules nasales à haut débit (42 %), ou sous masque (14 %).
Le critère primaire est la mortalité à un mois.
Réduction nette de la mortalité à un mois mais aussi à trois mois
La mortalité à un mois (J28) est de 6,6 % dans le bras hydrocortisone, versus 11,9 % dans le bras placebo. Soit une réduction de 5,6 % ([-9,6 ; -1,7]% ; p = 0,006) du risque absolu de décès et une réduction relative de la mortalité de quasi-moitié (RR = 0,55).
À trois mois, le bénéfice reste perceptible. On est alors à 9,3 % de mortalité dans le bras hydrocortisone, versus 14,7 % dans le bras placebo. Soit une réduction de mortalité en valeur absolue de 5,4 % (-5,4 [-9,9 ;-0,8] %).
Moins d’intensifications de traitement sous hydrocortisone
Par ailleurs, le bras hydrocortisone est associé à moins d’intensifications de traitement.
Parmi les patients n’ayant initialement pas été mis sous intubation mécanique, bien plus de sujets dans le bras placebo que dans le bras hydrocortisone ont nécessité une intubation endotrachéale par la suite. Soit 29,5 % d’intubations secondaires dans le bras placebo, versus 18 % dans le bras hydrocortisone (RR = 0,59 [0,40-0,86]).
De la même manière, parmi les patients initialement non mis sous traitement vasosuppresseur, bien plus en ont eu besoin dans le bras placebo que dans le bras hydrocortisone. Soit 25 % de recours secondaire à un traitement vasosuppresseur dans le bras placebo, versus 15,3 % dans le bras hydrocortisone (RR = 0,59 [0,43-0,82]).
Absence de complications sauf besoins initiaux plus élevés en insuline
Le suivi des patients ne met pas en évidence de problèmes de sécurité. En particulier, on n’a pas eu davantage de saignements gastro-intestinaux, ni plus d’infections acquises durant le séjour hospitalier dans le bras hydrocortisone. Dans ce bras néanmoins, sans surprise, les patients ont eu besoin de doses plus fortes d’insuline au cours de leur première semaine d’hospitalisation.
(1) Dequin P-F et al. Hydrocortisone in severe community-acquired pneumonia. N Engl J Med. 2023 May 25;388(21):1931-41
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