Toutes les pathologies respiratoires ayant des manifestations nocturnes (toux, essoufflement, anxiété) sont susceptibles de retentir sur le sommeil. Parmi ces pathologies, le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) reste sous-diagnostiqué, en raison de symptômes peu spécifiques, voire atypiques chez la femme. En raison de son retentissement cardiovasculaire, la question de savoir comment dort un patient mérite donc d’être plus souvent posée.
LE QUOTIDIEN : Quels sont les pièges diagnostiques du SAHOS ?
PR GAGNADOUX : Le tableau clinique est très bien connu des médecins, qui n’ont aucun mal à y penser devant un ronflement nocturne gênant pour l’entourage par exemple, mais encore faut-il qu’il y ait un entourage pour s’en plaindre ! C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à demander à tout patient s’il dort bien et, en cas de réponse négative sans cause évidente (bruit de voisinage, etc.), demander s’il n’y aurait pas des phénomènes de suffocation au cours du sommeil, des réveils fréquents en raison d’un besoin d’uriner (notamment à un âge où il y a encore rarement des ennuis de prostate pour un homme). Il est aussi intéressant de s’enquérir de la perception du sommeil au lever : est-il réparateur ou pas ? En journée, l’impression d’être fatigué et le fait d’avoir une propension anormale à s’endormir notamment devant le téléviseur, sont d’autres symptômes évocateurs classiques, surtout quand ces différents symptômes se retrouvent chez une personne à risque en raison d’une obésité, d’un syndrome métabolique et/ou en présence d’une hypertension artérielle difficile à contrôler.
Et chez la femme ?
Le diagnostic de SAHOS est peut-être encore plus piégeux chez la femme qui se plaint davantage d’insomnie et/ou de sommeil fragmenté ou encore, présente une symptomatologie dépressive. Il y a d’ailleurs moins de femmes référées en centre du sommeil que d’hommes pour suspicion de SAHOS. La prévalence des SAHOS chez la femme a pourtant tendance à rejoindre celle des hommes, après la ménopause, avec des conséquences cardiovasculaires au moins aussi graves. Il faut donc y penser chez une femme en surpoids, ménopausée et qui se plaint d’un sommeil de mauvaise qualité. Poser le diagnostic une fois qu’il a été évoqué ne présente pas de difficulté en revanche : un enregistrement nocturne, soit complet (polysomnographie), soit allégé (polygraphie ventilatoire), suffit.
Le traitement du SAHOS permet-il de réduire le risque cardiovasculaire ?
Le traitement de référence reste la ventilation à pression positive continue (PPC) et, en alternative pour les formes modérées, les orthèses d’avancée mandibulaire (OAM). Encore faut-il s’assurer que ces appareillages sont bien portés, que la symptomatologie s’améliore, y compris la pression artérielle. Selon plusieurs études observationnelles, plus les patients sont observants de leur traitement et plus la probabilité que le risque cardiovasculaire soit réduit, augmente. Nous avons d’ailleurs montré, au sein de la cohorte multicentrique des Pays de la Loire, que les patients qui portent leur appareil de ventilation à PPC au moins six heures par nuit ont une réduction significative du risque d’évènement cardiovasculaire majeur.
Y a-t-il des nouveautés du côté de la prise en charge ?
En dehors de ces deux traitements classiques, la Haute Autorité de Santé (HAS) vient de rendre un avis favorable pour le pacemaker lingual, mais il n’est pas encore disponible, ni remboursé. Cette alternative sera proposée en 3e ligne, après un bilan en centre spécialisé, pour rechercher des facteurs prédictifs de bonne réponse. Elle consiste à implanter une électrode reliée à un pacemaker sous la peau afin de stimuler le nerf hypoglosse (XIIe paire crânienne) et ainsi entraîner une contraction de la base de la langue à l’inspiration pour éviter le collapsus pharyngé, en rapport avec un relâchement des muscles de la langue pendant le sommeil. Quel que soit le traitement utilisé, les critères d’efficacité reposent sur un sommeil de meilleure qualité et une réduction de la somnolence diurne. À défaut, le patient doit être référé dans un centre du sommeil.
Quelle est la place des médicaments dits « éveillants » ?
Avant d’y songer, il faut déjà vérifier qu’une benzodiazépine n’a pas été prescrite pour une plainte d’anxiété par exemple, alors que ce traitement risque d’aggraver le SAHOS. Néanmoins, il faut savoir que, parmi les patients traités par ventilation à PPC et qui suivent consciencieusement leur traitement, au moins 10 % dont susceptibles de présenter une somnolence diurne persistante sous traitement. À ceux-là, et une fois écartée une dépression, une durée de sommeil insuffisante, un médicament ou une pathologie organique responsable de somnolence, le spécialiste du sommeil peut proposer un médicament éveillant : soit le solriamfetol, soit le pitolisant. Compte tenu de leur mécanisme d’action, ces traitements demandent de surveiller les paramètres cardiovasculaires (rythme cardiaque et pression artérielle), en particulier pour le solriamfetol, qui ne doit pas être prescrit chez les patients à haut risque cardiovasculaire.
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