Le syndrome de Guillain-Barré touche chaque année 0,6 à 2,6/100 000 sujets en Europe comme en Amérique du Nord. Il peut mener à une insuffisance respiratoire aiguë (IRA). Au décours du syndrome, 30 % des sujets développent une dépendance à la ventilation, avec à la clé un risque accru de décès. Comment l’éviter ? En pratique, le délai optimal avant mise sous ventilation des patients reste très controversé. D’un côté, on sait que l’intubation en urgence peut déclencher une dysautonomie cardiovasculaire, qui peut précipiter la mort, ce qui plaide pour une ventilation précoce. De l’autre, on sait que tous les Guillain-Barré n’auront pas besoin d’être ventilés.
Dans 80 % des cas, les patients nécessitant une ventilation ont été hospitalisés dans la semaine suivant le début des symptômes, présentent une incapacité à relever la tête ainsi qu’une capacité vitale forcée (CVF) inférieure à 60 % de celle attendue. Les patients qu’on retrouve dans les lits de réanimation avaient, pour 80 % d’entre eux, des difficultés à avaler. Ce qui plaide pour la ventilation précoce de ces seuls sujets à haut risque d’insuffisance respiratoire aiguë.
Et, comme les pneumopathies acquises durant l’hospitalisation sont l’une des complications courantes et sévères du syndrome de Guillain Barré, une étude a été menée pour tester, sur le sous-groupe de sujets à haut risque, l’apport d’une ventilation mécanique précoce en termes de risque de pneumonie acquise chez ces patients (1). L’hypothèse était séduisante, mais elle fait chou blanc, du moins dans cette étude de taille limitée. Ce petit essai français échoue en effet à mettre en évidence un quelconque bénéfice significatif associé à la ventilation précoce dans des syndromes de Guillain Barré à haut risque d’insuffisance respiratoire aiguë.
Une petite étude de phase II monocentrique exploratoire
L’étude, menée à l’hôpital Raymond Poincaré à Garches, est une étude monocentrique de phase II, de sécurité et d’efficacité randomisée en groupes parallèles, menée en simple aveugle. Elle a testé la ventilation mécanique précoce — non invasive au moins 6 heures/jour ou invasive avec intubation endotrachéale en cas de difficulté de déglutition — plus physiothérapie, versus une prise en charge traditionnelle associant physiothérapie et oxygène au masque en cas de besoin.
Les sujets pour être inclus devaient souffrir d’un syndrome de Guillain Barré, avoir plus de 18 ans et être à risque élevé d’insuffisance respiratoire aiguë, c’est-à-dire être dans l’incapacité de relever la tête et présenter un déficit moteur ne datant pas de plus de 7 jours. Les patients présentant : des signes de détresse respiratoire (PaC02 > 6,4 kPa, PaO2 < 7,5 kPa et CVF < 20 % ou < 15 ml/kg), une altération de la conscience (score de coma de Glasgow < 8), un état hémodynamique instable, une pneumonie préexistante ainsi que les femmes enceintes, ont été exclus.
Le critère primaire est le taux de pneumonie acquise à l’hôpital 3 mois après la randomisation. Les critères secondaires portent sur la durée sous ventilation, d’hospitalisation en soins intensifs, d’hospitalisation totale et sur la tolérance.
Pas de différences significatives d’un bras à l’autre en termes de pneumonie, durée de séjour, etc.
Entre 2004 et 2008, 50 patients ont été inclus. D’âge médian 57 ans (44-69 ans) dont 56 % d’hommes, ils étaient près d’une fois sur deux gênés pour avaler, dans les deux bras.
Dans le bras ventilation précoce, tous les patients ont été ventilés mécaniquement mais in fine plus des deux tiers ont dû être intubés (68 %), les autres étaient oxygénation mécanique non invasive. Dans le bras contrôle, de la même manière, près des deux tiers des patients ont dû être intubés (64 %), les autres n’ont pas été oxygénés de manière mécanique.
À 3 mois, 38 % des sujets ont développé une pneumonie liée au ventilateur. Soit respectivement 36 % des sujets dans le bras ventilation précoce versus 40 % dans le bras contrôle : la différence n’est pas significative. Il n’y a pas non plus de différence en termes de délai de survenue de cette pneumonie.
Le délai médian avant mise sous ventilation varie, très logiquement, entre les deux bras : de 1 [0–2] vs 5 [2–9] jours. Néanmoins, la durée de ventilation mécanique moyenne ne varie quant à elle pas significativement (14 vs 22 jours, NS).
Enfin, on n’observe pas de différence significative entre les bras en termes de durée totale d’hospitalisation (27 vs 26 jours), de score neurologique, de taux de trachéotomies (16 % vs 24 %), de décès intra-hospitaliers (4 vs 8 %) ou de quelconque effet secondaire sérieux. Bref, en somme rien ne vient plaider une ventilation précoce des syndromes de Guillain Barré, même à haut risque.
(1) MA Melone et al. Early mechanical ventilation in patients with Guillain-Barré syndrome at high risk of respiratory failure : a randomized trial. Ann Intensive Care 2020 ; 10, 128. https://doi.org/10.1186/s13613-020-00742-z
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?