Mercredi dernier, Martine Wonner (LREM, Bas-Rhin) et Caroline Fiat (La France insoumise, Meurthe-et-Moselle) ont présenté un rapport accablant sur l'organisation territoriale de la santé mentale. Après des grèves de plusieurs mois dans des hôpitaux à Amiens, Rouen ou au Havre, il dresse un état des lieux « catastrophique » de la prise en charge des patients mais aussi de la filière psychiatrique en échec.
Les deux députées décrivent « un millefeuille indigeste de structures et d'acteurs » à la fois dans le secteur public et en libéral ainsi qu'une prévention et une prise en charge des soins non programmés « insuffisantes », poussant les patients aux urgences déjà saturées. « Face à l’impossibilité d’avoir rendez-vous au CMP (centre médico-psychologique) ou chez un psychiatre libéral au début de la crise, en particulier le soir et le week-end, les patients n’ont d’autre solution que les urgences, puis d’être hospitalisés, alors que la crise aurait pu être évitée si elle avait été traitée en amont », se désole le rapport.
Le système est jugé « hospitalocentré », sans offre extra-hospitalière structurée suffisante. Les solutions d’amont comme d’aval sont « peu développées ». Enfin, les acteurs de la psychiatrie sont peu coordonnés, notamment avec la médecine générale dont 20 % à 30 % des consultations sont pourtant liées à des troubles psychiatriques.
De ces constats sévères découlent neuf propositions (lire ci-dessous). Elles recommandent de sortir largement la psychiatrie de l'hôpital en prenant le virage ambulatoire, de mieux former les généralistes à la santé mentale de façon « impérative et urgente », d'articuler les quelque 3 800 CMP avec la médecine de ville et de les intégrer aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Le libéral, présent en pointillés
Les syndicats de psychiatres sont circonspects. Du côté des libéraux, le Dr Maurice Bensoussan, président du Syndicat des psychiatres français (SPF), déplore des propositions encore « peu précises ». « Le rapport ne s'appuie pas assez sur toutes les possibilités de décloisonnement qui existent et qui permettent une ouverture vers les soins de premier recours », indique-t-il. « À force d'oublier la psychiatrie libérale, elle va finir par disparaître ! », souligne-t-il.
Face au tableau catastrophique des parlementaires, le Dr Claude Gernez, ex-président du Syndicat national des psychiatres privés (SNPP), président élu de la Fédération française de psychiatrie, défend un système équilibré où chaque acteur a toute sa place dans la prise en charge. « Les cabinets de psychiatres de ville suivent beaucoup de patients. C'est peu évoqué », regrette-t-il. Avant d'ajouter : « Il ne faut pas pour autant discréditer les CMP et supprimer tous les lits à l'hôpital ! Certaines situations d'urgence et de gravité nécessitent une hospitalisation. »
Culpabilisant
À l'hôpital, la pilule est amère. Le Dr Marc Bétrémieux, à la tête du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), se dit « très inquiet » au sujet d'un rapport perçu comme « culpabilisant » et « à charge ». « Nos difficultés sont surtout dues au sous-financement de la psychiatrie et de l'hôpital public en général », rectifie-t-il.
Le psychiatre d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) se montre perplexe à propos de certaines propositions jugées trop théoriques. « Sur le libre choix du patient, nous sommes extrêmement attentifs à leurs droits, mais encore faut-il qu'il y ait des praticiens sur le secteur ! Et sur l'ambulatoire, le problème, là encore, est le recrutement d'infirmiers formés à la psychiatrie ». Alors que les deux députées sont en désaccord sur la nécessité d'ouvrir des lits supplémentaires d'hospitalisation, le Dr Bétrémieux sera « très vigilant sur les suites données à ce rapport ». « Les lits sont nécessaires pour avoir des parcours de soins complets », expose-t-il.
Quant à l'Union syndicale de la psychiatrie (USP), elle rebondit sur le caractère explosif du rapport pour dénoncer « ceux qui saccagent le service public ». Sur le terrain, les difficultés demeurent. L'hôpital psychiatrique du Rouvray, près de Rouen, est touché par une nouvelle grève illimitée.
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