LA POLÉMIQUE sur les antidépresseurs (AD), qui seraient prétendument plus dangereux qu’efficaces, n’a pas lieu d’être. « En effet, lorsque le diagnostic de dépression majeure est bien posé, les études montrent que les AD font mieux que le placebo. En revanche, il y a très peu d’études rapportant la supériorité d’un AD par rapport à un autre. Ce qui diffère entre eux concerne plutôt leur tolérance : certains ont davantage d’effets secondaires digestifs, d’autres des effets sédatifs, etc., mais aucun ne pose véritablement de problème de dangerosité, sauf si l’on utilise les tricycliques à dose excessive (en raison d’un risque suicidaire accru), ce qui ne se fait plus », remarque le Pr Boulenger.
Des essais cliniques pas toujours représentatifs.
Le seul reproche que l’on puisse faire aux essais cliniques est qu’ils sont menés chez des patients typiques, sans aucun autre trouble associé à la dépression. « Or moins de la moitié des patients qui consultent répondent aux critères qui permettraient de les faire entrer dans ces essais cliniques ! En pratique, l’on est pourtant bien obligé d’utiliser les AD en dehors de ce profil typique », regrette le Pr Boulenger.
Une grande étude réalisée aux États-Unis (étude Star D), dans laquelle des dépressifs ont été inclus selon des critères beaucoup plus larges, peut éclairer les spécialistes sur la conduite à tenir. Ils ont d’abord été traités par un ISRS et moins de la moitié d’entre eux a répondu favorablement au traitement. Les non-répondeurs ont reçu un autre traitement (pharmacologique ou pas), puis, s’ils ne répondaient toujours pas, un troisième et, enfin, un quatrième. Il n’a pas été trouvé de différence majeure entre les diverses options thérapeutiques. « À la fin du quatrième essai, plus de 80 % des patients étaient sortis de leur dépression, ce qui prouve bien qu’il est important de ne pas s’en tenir à un premier échec et qu’un état dépressif majeur n’est pas facile à traiter », souligne le Pr Boulenger.
Au total, si les patients n’ont pas un trouble avéré de dépression ou d’anxiété, la prescription d’un AD n’est pas fondée car, dans les formes mineures, il n’y a pas de différence entre le traitement et le placebo. Or l’excès de prescriptions d’AD concerne surtout ces cas mineurs qui relèveraient davantage d’une psychothérapie. « Mais, en cas de dépression majeure, l’AD se révèle supérieur au placebo. Il faut donc bien respecter les critères définissant une dépression, c’est-à-dire la présence de symptômes dépressifs constants, quoi qu’il se passe autour de soi, depuis au moins deux semaines, avec un retentissement fonctionnel et somatique. L’anxiété généralisée, le TOC, le trouble panique et la phobie sociale peuvent également relever d’un AD, alors que les troubles anxieux ponctuels ou sans retentissement ne sont évidemment pas de bonnes indications », poursuit le Pr Boulenger.
Les AD ayant un effet progressif, l’amélioration se fait sentir au bout de huit à quinze jours. La surveillance est donc importante au début afin de prévenir le risque de conduites suicidaires. Sans qu’il y ait besoin d’augmenter la dose, l’amélioration, si elle se manifeste, ira crescendo pour être maximale après six à huit semaines de traitement. « Si, au bout de deux semaines, une amélioration est notée, il ne faut pas augmenter les doses, mais se laisser un délai supplémentaires de quatre semaines. De même, il faut au minimum six mois de traitement pour obtenir une stabilisation de l’humeur. Enfin, les benzodiazépines ne sont plus systématiques, mais uniquement indiquées en cas de troubles anxieux, d’agitation ou de troubles du sommeil majeurs associés », conclut le Pr Boulenger.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Philippe Boulenger, CHU, Montpellier.
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