La dépression existe dans toutes les cultures et tous les milieux socio-économiques, touchant 3 à 6 % de la population générale (deux fois plus de femmes). Un épisode dépressif est caractérisé dès lors qu'il dure au moins deux semaines, est accompagné de symptômes quasi-quotidiens et provoque une détresse significative.
Humeur dépressive, perte d'intérêt ou de plaisir, sentiment de culpabilité ou d'inutilité, troubles de la concentration, perte d’énergie, fatigabilité, ralentissement psychomoteur, idées de mort ou pensées suicidaires caractérisent cette affection. D’autres symptômes peuvent être présents tels que les troubles de l’appétit et du sommeil (l'insomnie du petit matin est caractéristique), des troubles anxieux et des symptômes somatiques.
Des facteurs sont prédictifs de la récurrence des épisodes dépressifs : antécédents familiaux, événements traumatiques infantiles, précocité du premier épisode, troubles psychiatriques ou somatiques associés, symptômes résiduels, arrêt de traitement prématuré, etc.
Facteurs génétiques, neurobiologiques et psychologiques interviennent dans l’étiopathogénie, le déclenchement, l’expression et la pérennisation des troubles dépressifs.
L'évolution des troubles dépend aussi de la personnalité sous-jacente du sujet, du suivi et des traitements entrepris. L’épisode peut être unique, récurrent ou inaugurer un trouble bipolaire avec alternance d’épisodes dépressifs et de symptômes maniaques. Un patient déprimé sur trois récidivera plusieurs fois, et un sur six connaîtra des épisodes chroniques de plus de deux ans.
Les questions à se poser
- Affirmer la dépression : éliminer une cause organique (hypothyroïdie, maladies neurodégénératives, etc.) ou iatrogène (bêtabloquants, etc.), un trouble de l’adaptation secondaire à un stress récent, un syndrome de stress post-traumatique (recherche du syndrome de reviviscence).
- Évaluer la sévérité et le risque suicidaire : intensité des symptômes et retentissement familial et social. Interroger le patient sur ses idées suicidaires sans craindre d'accroître le danger. Identifier les facteurs de risque (plus de 75 ans, isolement, accès à des moyens létaux, antécédent familial ou personnel de suicide) et les facteurs de protection (soutien familial et social).
- Rechercher un épisode antérieur et préciser sa prise en charge.
- Rechercher des pathologies psychiatriques associées : addictions, troubles anxieux.
- Évaluer le contexte somatique. La dépression caractérisée est environ trois fois plus fréquente chez les personnes souffrant d’une maladie somatique chronique.
- Chez la femme enceinte, rechercher un état dépressif avant et au décours de l’accouchement (5 % de dépression dans le post-partum).
Ce qu’il faut faire
- Adapter la prise en charge au risque suicidaire (prendre en compte le soutien psycho-social du sujet). On compte 10 à 15 % de mortalité par suicide chez les patients déprimés et 70 % des suicides seraient directement liés à un épisode dépressif.
- Expliquer au patient la nature de son trouble et la nécessité de reporter toute décision importante après amélioration de son trouble (divorce, changement professionnel).
- La prise en charge repose sur les antidépresseurs et les psychothérapies (cognitivo-comportementales, interpersonnelles, reposant sur la méditation). Le choix dépend de la préférence du patient et de l’accessibilité de ces thérapies. Rechercher un antécédent d’épisode maniaque avant toute instauration d’un antidépresseur (diagnostic différentiel avec un trouble bipolaire).
- Les antidépresseurs de première intention sont habituellement les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Un traitement antérieurement efficace et bien toléré est à privilégier. Les antidépresseurs imipraminiques (tricycliques) sont des traitements de deuxième, voire de troisième intention. Leur efficacité est évaluée après quatre semaines de traitement ; 15 à 20 % des dépressions résistent aux antidépresseurs.
- En cas de persistance ou d’aggravation des symptômes, un avis psychiatrique est souhaitable. Si la rémission est complète, la psychothérapie est poursuivie jusqu’à son terme et le traitement antidépresseur maintenu six mois en cas de premier épisode. En cas de rémission partielle, la psychothérapie est poursuivie et l’amélioration réévaluée à quatre semaines pour une éventuelle modification de l’antidépresseur.
Ce qu’il faut retenir
- Le diagnostic est avant tout clinique. S'assurer que les symptômes sont constants depuis au moins 15 jours et qu’ils ont un retentissement sur la vie du sujet.
- Le risque suicidaire doit être évalué précocement et avec précision.
- Le risque de récidive doit être prévenu du fait de son fort impact relationnel, familial et professionnel.
D’après un entretien avec le Pr Frédéric Rouillon, hôpital Sainte-Anne, Paris
Haute Autorité de santé, 2017
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