Fréquents chez les personnes souffrant de schizophrénie, les troubles sexuels sont trop souvent assimilés à des effets secondaires des médicaments, alors qu'ils sont aussi associés à d'autres facteurs, en particulier la dépression, démontrent deux études publiées dans « Progress in neuropsychopharmacology & biological psychiatry ».
Ces travaux coordonnés par le Dr Guillaume Fond (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, Centres experts FondaMental) « sont une alarme qui doit inciter les médecins à évaluer systématiquement les troubles sexuels avec leurs patients souffrant de schizophrénie », lit-on. Agir sur les anti-psychotiques ne doit pas être le seul levier.
Les troubles sexuels toucheraient 30 à 82 % des personnes souffrant de schizophrénie traitées par antipsychotiques, met en lumière la première étude, une revue systématique de 89 articles.
Quoique hétérogènes, la plupart de ces travaux s'intéressent aux problématiques liés aux traitements et concluent à une augmentation du risque de dysfonction sexuelle en lien avec la dose journalière et le pouvoir antidopaminergique de l'antipsychotique. Par conséquent, ils préconisent de diminuer les doses ou de se tourner vers l'aripiprazole comme antipsychotique de référence en cas de troubles sexuels.
Près de 41 % des patients concernés
La seconde étude porte sur 237 patients (145 hommes, 92 femmes) atteints de schizophrénie de la cohorte FACE-SZ (personnes vues dans les centres experts de la Fondation FondaMental). Parmi eux, 96 soit 40,5 % déclarent des troubles sexuels – appréhendés via le questionnaire autoadministré « sexuel functioning questionnaire », dont les items portent sur la libido, l'excitation physique, les fonctions érectiles et éjaculatoires, et l'orgasme. Une proportion comparable à la population générale plus âgée, notent les auteurs.
Quelque 42,6 % des participants font état d'une activité sexuelle le mois précédent. Plus de 42 % témoignent d'une excitation sans réaction physique. Près de 10 % des hommes rapportent l'absence totale d'érection depuis 30 jours.
Les troubles sexuels sont associés à trois facteurs : la dépression sévère (Odd ratio ajusté, aOR : 2,29), la prescription d'anticholinergiques (aOR : 2,65) et l'inflammation périphérique chronique de bas grade (aOR : 2,09). Cette dernière est définie par une CRP ultrasensible (CRPus) – celle-ci étant habituellement recherchée pour évaluer le risque cardio-vasculaire – supérieure à 3 mg/L et inférieure à 10 mg/L.
Chez les hommes, une association était retrouvée entre troubles et dépression (aOR : 2,99), âge avancé, et bas niveau d'éducation ; chez les femmes, entre troubles et prescription d'anticholinergiques (aOR : 5,87) et jeune âge.
La dépression est plus spécifiquement associée à des difficultés d'excitation sexuelle, d'érection, d'éjaculation et d'orgasme ; l'inflammation périphérique, à une absence d'érection et d'orgasme ; les anticholinergiques, à une absence de pensées sexuelles et de désir.
Ouvrir la discussion avec le patient
Les médecins doivent explorer (et traiter) la question de la dépression sévère, mais aussi de l'inflammation chronique périphérique, dont les signes d'alerte sont une fatigue chronique, la dépression, le tabagisme, l'obésité, l'insuffisante activité sportive, et qui peut être confirmée par une CRPu.
L'association entre troubles sexuels et anticholinergiques doit, elle, conduire à ajuster le traitement par antipsychotiques, puisque les anticholinergiques sont souvent utilisés pour en corriger les effets secondaires. Si l'association n'est pas démontrée formellement, l'arrêt du tabagisme est à recommander.
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