Entretien avec Marc Antoine Crocq (1)
LE MANUEL diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) a été publié pour la première fois en 1952. Mais les DSM I et II, encore assez psychanalytiques, ne décrivaient pas vraiment les pathologies. C’est le DSM III en 1980 qui a introduit une classification basée sur des critères diagnostiques cliniques dans une approche catégorielle des maladies mentales. Depuis, le DSM est une référence. Il permet de parler un même langage et vient fiabiliser le diagnostic. C’est un apport majeur. Or DSM III, DSM IV et aujourd’hui DSM 5 sont tout à fait dans la même lignée.
Initialement, les auteurs du DSM 5 pensaient que les avancées des neurosciences (imagerie, génétique, biologie, pharmacologie) permettraient d’aller vers une classification plus étiologique. Or, sauf pour quelques maladies dont les démences, la physiopathologie des maladies psychiatriques reste largement méconnue et multifactorielle. Cette nouvelle version voulait en outre intégrer une approche dimensionnelle témoin d’un continuum du normal au pathologique. Cette ambition a été abandonnée après le vote négatif des psychiatres américains. Le DSM 5, même s’il rend compte des études notamment de génétique et d’imagerie, reste donc essentiellement fondé sur la clinique, dans une approche catégorielle et pragmatique. Résultat, il se trouve désormais sous la critique à la fois de ceux opposés à la nosologie en psychiatrie, mais aussi sous celle des partisans d’une classification basée sur la neurobiologie (projet Research Domain Criteria : RDoC).
Pourtant, le DSM 5 reste à ce jour le meilleur outil clinique disponible. Difficile de faire mieux en termes de classification. D’autant que ce n’est pas une bible mais juste un consensus témoignant de l’évolution de la psychiatrie.
Par rapport au DSM IV, on note plusieurs évolutions.
Il n’y a plus de coupure radicale dans le DSM 5 entre enfant et adulte. Dans l’idée d’un continuum, le chapitre « troubles apparaissant dans l’enfance et l’adolescence » a disparu et les pathologies ont été dispatchées en troubles neurodéveloppementaux (Autisme, Asperger, Déficit de l’attention hyperactivité [TDAH]) et dans d’autres chapitres suivant leur symptomatologie. Et les critères du TDAH ont été modifiés pour être utilisables chez l’adulte. L’hyperactivité ne s’arrête en effet pas nécessairement à 17 ans.
Autre nouveauté, pour tenir compte de la diversité des étiologies, les troubles anxieux ont été divisés en trois chapitres : troubles anxieux ; TOC ; et troubles anxieux liés à un traumatisme ou à des facteurs de stress. Pour la même raison, les troubles de l’humeur sont désormais divisés en troubles bipolaires et troubles dépressifs. Et le deuil n’est plus un critère d’exclusion pour un épisode dépressif majeur. Un point vivement critiqué par Allen Frances, auteur du DSM IV, qui s’est insurgé contre une médicalisation du deuil. Quand cet item ne signifie pas, comme on a pu l’entendre, que tout deuil relève d’un traitement antidépresseur, mais tout simplement que le deuil n’exclut pas une dépression majeure !
Enfin, le DSM 5 introduit quelques nouveaux troubles. Mais la plupart étaient déjà présents dans les annexes du DSM IV, comme les dysphories prémenstruelles incluses désormais dans les troubles de l’humeur.
Le DSM 5, sans constituer une révolution, constitue donc une avancée ou une mise à jour destinée elle-même à évoluer dans des versions DSM 5.1, DSM 5.2...
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