Au-delà du modèle biopsychosocial, la lombalgie chronique doit être démembrée. L’inefficacité d’un traitement à effet structural potentiel dans l’arthrose digitale sévère souligne l’importance de définir des biomarqueurs évolutifs précoces. Une récente estimation fait état d’une envolée du coût de l’arthrose de la hanche et du genou.
Un entretien avec le Pr François RANNOU*
LA CONFÉRENCE d’actualité du congrès de la SFR sur la stratégie thérapeutique devant une lombalgie chronique a permis à Sylvie Rozenberg (1) de faire une revue de la littérature sur la prise en charge des lombalgiques chroniques sur la base du modèle biopsychosocial. Il s’articule surtout sur le réentraînement à l’effort afin de permettre la réinsertion socioprofessionnelle des patients. Si cette prise en charge apparaît indispensable, elle ne doit pas nous affranchir de préciser préalablement le phénotype anatomoclinique des patients. Les communications au cours de deux autres sessions (2, 3) plaidaient également dans ce sens : dans certains phénotypes de lombalgiques chroniques, le réentraînement à l’effort, approche non spécifique, n’est pas la solution. Il faut notamment distinguer la discopathie active (Modic 1), l’instabilité segmentaire, les troubles statiques du rachis, la discopathie isolée du sujet jeune, associée ou non à une discolyse rapide, ou encore le syndrome articulaire postérieur, liste qui est amenée à s’allonger. Il est par exemple établi que le réentraînement à l’effort n’est pas indiqué dans la discopathie active, qui doit bénéficier d’un traitement médicamenteux et d’une rééducation plus spécifique.
Il importe donc aujourd’hui d’évoluer par rapport au modèle biopsychosocial et de revenir, si possible, à une description anatomoclinique plus précise.
L’arthrose digitale sévère. Dans le domaine de l’arthrose, deux informations importantes sont à noter lors de ce congrès. D’une part, les résultats de l’étude DORA (4), essai multicentrique randomisé versus placebo qui a évalué un anti-TNF alpha chez 85 patients souffrant d’une arthrose digitale sévère (résistante aux antalgiques et aux AINS). Ses résultats sont négatifs, tant sur le plan symptomatique que fonctionnel, ce qui conforte des études antérieures et soulève le problème de l’utilisation de traitements spécifiques avec un potentiel effet structural dans l’arthrose symptomatique. Il s’agit d’un stade trop tardif et il apparaît important de développer des biomarqueurs pour déterminer une population de patients susceptibles de développer une arthrose symptomatique à court ou à moyen terme.
Des coûts qui augmentent. D’autre part, les données récentes sur le coût de l’arthrose de la hanche et du genou en France (5, 6), soulignent son augmentation. La dernière étude, qui date de 2005, avait estimé les coûts directs annuels à 1,6 milliard d’euros (dont 50 % liés aux hospitalisations), soit 1,7 % des dépenses de santé. La nouvelle estimation a été réalisée à partir des données 2010 du PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information), qui regroupe aussi bien les services hospitaliers classiques que ceux de soins de suite. Sur cette base, les coûts directs de l’arthrose de la hanche sont de 1,15 milliard d’euros et ceux de l’arthrose du genou de 1,33 milliard d’euros, soit un coût global d’environ 2,5 milliards d’euros. Le coût annuel moyen par patient est de 12 000 euros pour la gonarthrose et de 10 000 euros pour la coxarthrose. La nette augmentation par rapport aux estimations de 2005 peut en partie être expliquée par le caractère plus précis et exhaustif du recueil des données (PMSI), le vieillissement de la population et le plus grand recours à la chirurgie prothétique.
* Hôpital Cochin, Paris.
(1) Sylvie Rozenberg. Stratégie thérapeutique devant une lombalgie chronique.
(2) Stéphane Genevay. Quel modèle bio dans le concept bio-psycho-social.
(3) François Rannou. Faut-il changer notre prise en charge thérapeutique des lombalgiques ?
(4) Xavier Chevalier. Essai randomisé, multicentrique, en double aveugle contrôlé contre placebo d’un anti-TNF alpha (adalimumab) dans l’arthrose digitale sévère : l’étude DORA.
(5) François Rannou. Coût de l’hospitalisation de l’arthrose du genou en France en 2010.
(6) Philippe Bertin. Coût de l’hospitalisation de l’arthrose de la hanche en France en 2010.
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