Blessure du footballeur brésilien Neymar : décryptage des fractures thoraco-lombaires

Publié le 08/07/2014
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Crédit photo : AFP

Dernières minutes du match qui oppose le Brésil à la Colombie en quart de finale de la Coupe du monde : le joueur vedette Neymar est violemment percuté dans le dos par un adversaire. Les médias du monde entier se font l’écho de cet incident, donnant au passage un coup de projecteur sur les fractures du rachis.

En l’occurrence, le Brésilien est victime d’une fracture du rachis thoraco-lombaire. Cette variété de fractures fait depuis un quart de siècle l’objet d’un regain d’intérêt avec de très nombreuses études spécialisées consacrées à ce sujet.

Deux types de fractures : celles du sujet jeune et... moins jeune

Épidémiologiquement, il convient de distinguer deux groupes de fractures de cette région : les fractures strictement « traumatiques », touchant tous les groupes de population mais plus particulièrement les sujets jeunes, et les fractures dites de « fragilité », touchant la population plutôt âgée, atteinte d’ostéoporose.

Dans cette dernière catégorie, sans doute la plus représentée numériquement, la violence traumatique n’est pas indispensable et la fracture peut résulter d’une simple chute, d’un effort voire même d’une simple quinte de toux.

Pour ce qui est des fractures du sujet jeune, l’approche thérapeutique a considérablement évolué autour de la notion de stabilité rachidienne qui d’ailleurs n’est pas exclusive à ce segment de population. Le rachis est

en effet un empilement de pièces osseuses qui aurait dû être naturellement instable du fait même qu’il s’agit d’un empilement aligné vertical. Seules les particularités anatomiques et architecturales des pièces individuelles et les structures ligamentaires et musculaires l’environnant font de la colonne un assemblage stable.

Cette stabilité est essentielle du fait que la colonne, non seulement constitue la structure squelettique axiale, centrale mais de surcroît héberge sur la quasi totalité de son étendue des éléments neurologiques.

Toute fracture sur une ou plusieurs des pièces constitutives est susceptible de remettre en question cette stabilité.

C’est autour de ce concept de stabilité, au terme de multiples recherches biomécaniques, que les classifications des fractures du rachis thoraco-lombaire ont évolué au cours des trente dernières années.

L’objectif était de disposer d’un outil susceptible de guider une attitude interventionniste (ostéosynthèse chirurgicale) ou, au contraire, de privilégier une approche conservatoire par mise au repos au lit ou installation d’un corset ou d’un plâtre de maintien.

Ostéosynthèse ou pas

Graduellement les indications thérapeutiques se sont précisées, une fois adoptées de telles classifications, laissant apparaître des indications relatives ou au contraire absolues. L’une de ces classifications, des plus en vogue actuellement, est celle de Margel. Elle distingue de façon détaillée plusieurs sous-types de dégâts rachidiens.

L’analyse de ces dégâts fait appel à toutes les modalités d’imagerie disponibles : radiographies conventionnelle, scanner, IPRM. Cette classification est plutôt à vocation chirurgicale afin de légitimer une ostéosynthèse visant à respecter les principaux objectifs de « précaution » : mobilisation précoce du blessé, soulagement rapide des douleurs, reconstitution de l’alignement rachidien et de la perméabilité canalaire, prévention du risque de survenue différée d’une altération neurologique, facilitation de la récupération d’un dégât neurologique constitué...

Quelle que soit la situation individuelle rencontrée, le soignant doit pondérer avec discernement la balance des avantages/risques d’une ostéosynthèse sur une attitude non chirurgicale. En aucun cas le principe de précaution d’une chirurgie systématique ne doit prendre le pas sur le principe fondateur de tout acte de soin : « primum non nocere ». Il semble que ce soit le choix des chirurgiens orthopédistes brésiliens pour la vedette de leur sélection nationale, même si un tel choix impose de toute façon plusieurs semaines de mise hors jeu.

Chirurgien orthopédiste, Paris, membre de la Société Française de Chirurgie Orthopédique (SOFCOT, www.sofcot.fr)

Pr Charles Msika

Source : lequotidiendumedecin.fr