L’expression clinique des TDCR est variable en fonction des individus, et au cours du temps. Leur approche thérapeutique correspond à une stratégie médico-chirurgicale graduée. Le traitement conservateur joue un rôle majeur : il comprend la médication orale, les infiltrations cortisoniques et la rééducation. Quant à la chirurgie, ses indications sont rares en pratique. Il s’agit d’actes de réparation et de gestes palliatifs, dont l’acromioplastie. Ces traitements, conservateurs et chirurgicaux, ont été évalués dans le contexte clinique des épaules douloureuses chroniques, quel que soit le type de TDCR, et en cas de ruptures tendineuses documentées en imagerie.
Épaule douloureuse chronique : infiltration et rééducation
Les traitements des épaules douloureuses chroniques ont été étudiés dans de multiples essais contrôlés randomisés, parmi lesquels 11 ayant trait aux infiltrations cortisoniques ont fait l’objet d’une méta-analyse (1). Selon celle-ci, les infiltrations cortisoniques sous-acromiales permettent une diminution de la douleur à court terme, soit quatre à huit semaines après le geste, avec une amplitude de l’effet considérée comme petite à moyenne. Les infiltrations y étaient le plus souvent effectuées sous repérage clinique, et la valeur ajoutée du repérage échographique n’est à ce jour pas établie. Dans une étude factorielle randomisée (publiée en 2021) menée sur 256 participants (2), aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence après l’infiltration cortisonique (à six semaines, six mois et un an), en termes de douleur et de fonction entre repérage clinique et repérage échographique. Concernant la rééducation, il est désormais acquis qu’une massokinésithérapie, comprenant des techniques de sollicitation musculaire, est plus efficace qu’un placebo ou qu’une absence de traitement (3). Cependant, l’effet de la rééducation est parfois en dessous du seuil de pertinence clinique, en raison de la grande variabilité des programmes proposés. Régulièrement, la rééducation mise en place est malheureusement uniquement passive et le nombre de séances se trouve être insuffisant. Concernant la chirurgie, il est aujourd’hui possible d’affirmer que l’acromioplastie isolée n’apporte pas de bénéfice supérieur par rapport à la rééducation, dans le cadre des épaules douloureuses chroniques par TDCR (4).
Et en cas de rupture dégénérative des tendons ?
Les modalités thérapeutiques conservatrices et chirurgicales ont aussi été étudiées dans le contexte spécifique des ruptures dégénératives des tendons de la coiffe des rotateurs. La primauté reste au traitement conservateur. Néanmoins, le niveau de preuve des études est ici plus modeste que pour celles conduites en cas d’épaule douloureuse chronique quel que soit le type de TDCR. D’après l’un des seuls essais disponibles réalisé chez 60 sujets avec une rupture complète de la coiffe des rotateurs, les injections cortisoniques intra-gléno-humérales permettent une amélioration à court terme de la douleur, par rapport à une abstention thérapeutique (5). À ce jour, nous ne disposons pas d’essai contrôlé randomisé, concernant la rééducation pour ruptures documentées de la coiffe. Des études prospectives se sont toutefois intéressées à cette question, les patients retrouvent une amélioration algofonctionnelle durable dans la majorité des cas. Enfin, la réparation chirurgicale des ruptures dégénératives paraît être efficace en cas d’échec du traitement conservateur bien conduit et de handicap important. À ce titre, une étude pragmatique récente confirme l’intérêt d’une réparation chirurgicale devant une rupture dégénérative transfixiante de la coiffe des rotateurs, et valide le positionnement de cette chirurgie en deuxième (voire troisième) ligne thérapeutique (6).
Ainsi, plusieurs études ont permis ces dernières années de préciser la prise en charge thérapeutique des TDCR, qui s’avère le plus souvent conservatrice. Cependant, de multiples questions restent en suspens. Par exemple, la place des injections de plasma riche en plaquettes, parfois proposées, est à déterminer. De plus, de nouvelles données plus robustes sont nécessaires, concernant la rééducation pour rupture transfixiante. Enfin, il apparaît essentiel de mieux caractériser le devenir à long terme des patients souffrant de TDCR.
Service de Médecine Physique et de Réadaptation de l’hôpital Lariboisière - Fernand Widal, AP-HP, Université Paris Cité
(1) Mohamadi A et al. Clin Orthop Relat Res. 2017;475:232–43
(2) Roddy E et al. Br J Sports Med. 2021;55:262–71
(3) Haik MN et al. Br J Sports Med. 2016;50:1124–34
(4) Beard DJ et al. Lancet. 2018;391: 329–38
(5) Gialanella B et al. Pain Med. 2011;12:1559–65
(6) Cederqvist S et al. Ann Rheum Dis.2021 Jun;80(6):796-802
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