UN EXCÈS de résorption osseuse est impliqué dans les mécanismes sous-tendant la perte osseuse locale (érosions juxta-articulaires) et diffuse (« ostéoporose ») au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Lors de son exposé, Thierry Thomas (1) a disséqué les réseaux cytokiniques et hormonaux intriqués dans ces boucles physiopathologiques complexes. Les cytokines majeures sont le RANKL, le TNF et diverses interleukines (1, 6, 17). Les interactions du TNF avec les acteurs de la voie Wnt, régulatrice de la fonction des ostéoblastes, donc des processus de réparation, sont aussi importantes à considérer. Une nouveauté physiopathologique mérite d’être signalée : au cours de la PR, les ostéoclastes expriment une vimentine citrullinée sur laquelle se fixent les anticorps anti-CCP, activant par là même directement le processus de résorption osseuse.
Os et inflammation : entre deux feux… ? Le contrôle optimal de l’inflammation est susceptible de diminuer la perte osseuse, y compris chez les patients recevant des traitements cortisoniques. Néanmoins, Karine Briot (2) a insisté sur le fait que les corticoïdes restent la première cause d’ostéoporose secondaire, encore largement sous-estimée et insuffisamment traitée. Des recommandations nord-américaines de 2010 ne sont pas très lisibles ni adaptées à notre pratique. L’IOF et l’ECTS ont publié en 2012 un cadre de travail pour l’élaboration de recommandations dans les pays européens. Le GRIO a décidé de s’atteler à la tâche pour mettre au goût du jour nos « vieilles » (10 ans…) recommandations, espérant par là optimiser et simplifier la prise en charge osseuse de ces patients.
Ostéopénie : qu’on lui coupe la tête ! Dans un exposé attendu et provocateur, Christian Roux (3) a souhaité remettre les pendules à l’heure à propos du concept d’ostéopénie, voulu par l’OMS en 1994 pour définir un état osseux intermédiaire entre la normalité et l’ostéoporose. Problème : cette définition repose uniquement sur des seuils densitométriques arbitraires (T score compris entre – 1 et – 2,5) sans base épidémiologique ni pathologique. Ainsi, l’ostéopénie n’est pas une maladie puisque sa prévalence est de 30 à 60 % en fonction de l’âge… Elle ne peut même pas être considérée comme un facteur de risque d’ostéoporose puisque la probabilité que la DMO atteigne le seuil de l’ostéoporose chez les femmes ayant un T score supérieur à – 2 est extrêmement faible… Elle n’est pas plus un facteur de risque de fracture, mais sa présence doit faire rechercher des antécédents de fracture car des fractures de fragilité sont observées chez des femmes ostéopéniques… Enfin, traiter des patientes ayant une ostéopénie sans antécédent de fracture n’est pas associé à une diminution du risque futur de fractures. En conclusion, l’ostéopénie doit inciter à chercher une fracture dans les antécédents, mais ne doit pas conduire à un traitement en l’absence de cet antécédent.
Comment améliorer la consolidation des fractures ? Le retard de consolidation et la pseudarthrose compliquent l’évolution d’environ 10 % des fractures des os longs avec, comme l’a rappelé Jean-Marc Féron (4), des conséquences (morbidité, coûts) très importantes pour les patients et pour la société. Il a fait une revue de l’impact de l’ostéoporose elle-même, et de ses traitements, sur la consolidation des fractures à travers une revue des données publiées dans des modèles animaux et en clinique humaine.
L’ostéoporose allonge le temps de consolidation dans les modèles animaux, avec un cal moins volumineux et de moindre résistance mécanique. Toutefois, en clinique humaine, le risque de pseudarthrose n’est pas augmenté dans toutes les cohortes. Ces études sont très imparfaites et le sujet mérite d’être abordé plus méthodiquement.
Les traitements antiostéoclastiques (bisphosphonates, SERM, dénosumab) n’ont pas d’effet délétère sur la consolidation osseuse. Les traitements ostéoformateurs (tériparatide, ranélate de strontium et pour le futur anticorps antisclérostine) pourraient avoir un effet favorable, mais les données restent fragmentaires et fragiles. Jean-Marc Féron a terminé son exposé en montrant quelques cas cliniques de patients ayant des pseudarthroses qui ont rapidement consolidé après instauration d’un traitement par ranélate de strontium, observations qui doivent nous interpeller et conduire à une évaluation rigoureuse dans cette situation.
* Hôpital Lariboisière, Paris.
D’après les communications du Pr Thierry Thomas (1), du Dr Karine Briot (2), du Pr Christian Roux (3) et du Pr Jean-Marc Féron (4).
L’ostéoporose tue
Les fractures de l’extrémité supérieure du fémur ( ESF) ont de tout temps été associées à une surmortalité. Bernard Cortet a indiqué que l’excès de mortalité associé aux fractures ne concerne pas que les fractures du col fémoral chez les sujets âgés, ce qui est de connaissance plus récente. La mortalité liée aux fractures de l’ESF est plus importante chez les 65-79 ans que chez les sujets plus âgés, elle est beaucoup plus marquée chez les hommes, à l’évidence plus fragiles que les femmes ! Les fractures vertébrales et d’autres fractures par fragilité sont à l’origine d’un excès de mortalité par comparaison avec la population générale, et ce dans plusieurs cohortes. Cette relation entre certaines fractures et surmortalité a conduit à définir le concept de « fracture sévère » qui amène à une décision thérapeutique plus rapide et a donc une conséquence majeure sur nos pratiques médicales.
Inversement, les très fréquentes fractures du poignet n’ont aucun impact sur l’espérance de vie et l’algorithme de prise en charge de l’ostéoporose doit être différent.
> Pr P. O.
D’après la communication du Pr Bernard Cortet, CHRU, Lille.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024