En France, une enquête épidémiologique récente réalisée auprès de 10 000 sujets a montré que la goutte touchait 0,9 % de la population des plus de 18 ans. En Angleterre, elle touche environ 2,5 % de la population et aux États Unis, près de 8 millions de personnes sont atteintes.
« Cette augmentation est partiellement liée aux habitudes alimentaires type "fast-food", à la prise de poids et à l’allongement de la durée de vie », explique le Pr Thomas Bardin (Hôpital Lariboisière, Paris).
Il s’agit d’une maladie à large prédominance masculine, qui apparait surtout après 50 ans. L’hyperuricémie est souvent présente chez un patient ayant un syndrome métabolique (surpoids, HTA, DT2, dyslipidémie..). Et, la goutte est aujourd’hui considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire indépendant.
Les cristaux d’urate de sodium s’accumulent et se déposent dans les articulations. Puis, de façon imprévisible, ils précipitent et provoquent un accès aigu à l’origine d’une inflammation locale et de douleurs. L’articulation touchée (gros orteil du pied le plus souvent) enfle, devient rouge violacée et chaude.
Les symptômes de la crise sont assez typiques et orientent le diagnostic. L’uricémie doit être dosée à distance des crises.
Dès les premiers symptômes
Cependant, il peut exister des formes atypiques qui nécessitent la réalisation d’un examen du liquide articulaire ou une échographie articulaire.
« Du fait de la violence de ces accès et de leur caractère intermittent, la goutte est volontiers perçue comme une maladie aiguë. En fait, les dépôts cristallisent de façon chronique et il faut donc un traitement chronique pour les dissoudre », souligne le Pr Thomas Bardin.
Le traitement des crises doit être commencé le plus tôt possible dès les premiers signes et prémices reconnus par les patients. L’éducation pour l’automédication des crises est recommandée.
Le traitement de première intention est la colchicine. Si on traite très tôt, la posologie est de 1 mg dès le début, puis une heure plus tard 1 ou 0,5 mg.
La dose maximale est de 3 mg le premier jour : elle est diminuée ensuite. Il faut être attentif aux effets secondaires (risque de diarrhées, douleurs abdominales…). En cas d’insuffisance rénale, il faut diminuer la dose et ne pas associer à des macrolides ou des statines (risque de rhabdomyolyse). En cas d’intolérance à la colchicine, un AINS peut être prescrit et en cas de contre-indication une corticothérapie orale (30-35 mg/j d’équivalent de prednisone pendant une semaine (on peut ajouter 0,5 mg de colchicine/j pour limiter l’effet rebond). La canakinumab a obtenu une AMM européenne dans la crise de goutte aiguë chez les patients présentant une contre-indication (insuffisance rénale), une intolérance ou un échec aux AINS et à la colchicine. Il n’est pas encore disponible en France.
Mauvaise observance
Le traitement de fond hypouricémiant est très important (il peut être proposé dès le 1er accès) guidé par la valeur de l’uricémie qui doit être vérifiée régulièrement pour obtenir un taux sérique inférieur à 60 mg/l. Une uricémie plus basse, inférieure à 50 mg/l est recommandée dans les gouttes sévères tophacées pour accélérer la dissolution des cristaux. « La goutte fait partie des pathologies chroniques pour lesquelles l’observance est la moins bonne. L’éducation thérapeutique est très importante », déclare le Pr Bardin. Chez des patients à fonction rénale normale, l’allopurinol est initié à faible dose (100 mg/jour) et augmenté progressivement (risque du syndrome d’hypersensibilité (DRESS) jusqu’à obtenir la valeur cible de l’uricémie. Pendant les premiers mois, un traitement préventif des crises (colchicine à faible dose) est associé. Le fébuxostat est également augmenté progressivement.
Les conseils d’hygiène de vie sont associés : arrêt de la consommation des alcools forts, de la bière (même sans alcool) et des sodas sucrés. « Le reste (viandes, fruits de mer…) est beaucoup moins important et il ne faut pas trop d’interdits, précise le Pr Bardin. Le principal est d’arriver à ce que le patient maigrisse pour faciliter le contrôle des troubles métaboliques associés (HTA, dyslipidémie) ».
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