Ce syndrome, qui n’est pas rare, n’est pratiquement jamais évoqué face à des tableaux cliniques pourtant évocateurs. D’où des diagnostics erronés et des thérapeutiques à risques inutiles.
Affection génétique
La maladie d’Ehlers-Danlos, affection génétique autosomique dominante reste donc, le plus souvent, ignorée de ceux qui la transmettent.
Le retard moyen au diagnostic dans notre série de 612 cas est de vingt et un ans chez les 81 % de femmes qui la constituent et de quinze ans chez les hommes.
Altération du collagène
Décrit par Ehlers (1900) puis Danlos (1908), il est l’extériorisation d’une atteinte de l’ensemble du tissu conjonctif (75 % du corps humain) avec principalement une altération du collagène. Les conséquences biomécaniques sont la fragilité des tissus atteints et une élasticité diminuée. Ceci explique la fragilité de la peau et des muqueuses et la moindre réactivité des capteurs immergés dans ces tissus.
La diffusion des lésions explique la multiplicité des symptômes. La forme commune, hypermobile ou type III est, de très loin, la plus fréquente. Il n’y a pas de test génétique dans ce diagnostic, qui est strictement clinique, ce qui, à notre époque, surprend et rend « suspects » ces patients.
La forme « classique » (type I et II) est beaucoup plus rare, a priori moins handicapante avec une grande fragilité et étirabilité cutanée ; la forme « vasculaire » (type IV), est exceptionnelle, marquée par le risque de complications artérielles. Ces dernières existent rarement dans les autres formes et doivent donc être systématiquement recherchées.
Signes évocateurs
Quels signes évoquent un Syndrome d’Ehlers Danlos de type III ?
Des douleurs intenses, périarticulaires, tendineuses, musculaires, thoraciques abdominales, cutanées, génitales, migraineuses peuvent être évocatrices. Elles sont à type de brûlures, de fourmillements, de sensations d’arrachement, de broiement, d’éclatement, permanentes avec des recrudescences parfois très intenses, résistantes aux antalgiques les plus puissants mais sensibles aux stimulations électriques antalgiques (TENS).
Une asthénie, avec lassitude extrême et somnolence, contraste avec des troubles du sommeil. Une hypermobilité et des troubles proprioceptifs entraînent pseudo-entorses, luxations, instabilité, maladresses, heurts d’obstacles, chutes. Des saignements (ecchymoses, épistaxis, gingivorragies, ménorragies) sont possibles. La peau est fragile, fine, veloutée, transparente, cicatrisant mal, avec vergetures, parfois étirable. Une constipation opiniâtre et des reflux gastro-œsophagiens sont parfois notés de même que des blocages respiratoires confondus avec de l’asthme et de la dyspnée d’effort.
D’autres signes doivent alerter : frilosité, sueurs, syndrome de Raynaud, palpitations, hyperacousie, fatigue visuelle, hypotension artérielle, douleurs temporomaxillaires, altérations gingivodentaires.
Éléments du diagnostic
Le diagnostic est évoqué devant l’association des symptômes : douleurs, fatigue, troubles proprioceptifs, hypermobilité, hémorragies, fragilité cutanée et/ou sur la constatation de cas familiaux en sachant que les symptômes peuvent être discrets et incomplets, surtout chez les hommes.
Diagnostic différentiel.
De nombreux diagnostics sont posés à tort devant certaines des manifestations du SED :
- douleurs : fibromyalgie, pelvispondylite, polyarthrite, Gougerot-Sjögren, sciatique…
- troubles proprioceptifs : dystrophie musculaire, sclérose en plaque, myasthénie, polynévrites…
- manifestations intestinales : Crohn, maladie cœliaque, rectocolite hémorragique, colopathie fonctionnelle ;
- fatigue et frilosité : hypothyroïdie, d’atteinte hypophysaire ou surrénalienne.
- baisses de l’audition : otospongiose ;
- ménorragies : endométriose.
- fourmillements au niveau des mains : canal carpien défilé des scalènes ;
- précordialgies, palpitations : insuffisance coronarienne avec ici, le danger de la prescription d’antiagrégants ;
- hypermobilité rachidienne avec rotation rachidienne (clichés debout) : scoliose.
Ainsi, le syndrome d’Ehlers Danlos de type 3 peut conduire à bien des erreurs diagnostiques. L’une des plus fréquentes, de très loin, est une psychiatrisation stigmatisante et culpabilisante, dont la formulation habituelle est le fameux « c’est dans la tête ».
Que faire une fois le diagnostic posé ?
1. Prévenir le patient de certains risques : pas de manipulation cervicale (risque de lésion osseuse ou des artères vertébrales), être économe ou prudent dans les indications des ponctions lombaires (risque de blessure des méninges), des coloscopies (hémorragies) et autres endoscopies ou ponctions artérielles, de chirurgie (fragilité des tissus), au cours des soins dentaires (manque d’efficacité des anesthésies locales), de la prescription d’antiagrégants ou anticoagulants et d’anti inflammatoires, de la surveillance des grossesses et des accouchements.
2. Mettre en place une thérapeutique. Elle justifie, par sa continuité, une demande pour ALD qui ne doit négliger aucuns des aspects du syndrome (bucco-dentaires par exemple).
Elle repose sur une combinaison de moyens qui visent à soulager les douleurs, corriger les troubles proprioceptifs, lutter contre la fatigue, améliorer l’état digestif, respiratoire, gynécologique.
L’utilisation du neurostimulateur transcutanée à visée antalgique (TENS), des emplâtres anti-inflammatoires et antalgiques, de la chaleur, de la kinébalnéothérapie, de vêtements compressifs, d’orthèses plantaires, de mains, de coudes, de genoux, du dos, de coussins et matelas à mémoire de formes, d’un respirateur à percussion, de l’oxygénothérapie intermittente mais quotidienne, ont contribué - associés à la kinésithérapie, l’ergothérapie, l’orthoptie, l’orthophonie (pour les troubles mnésiques et attentionnels), la neuropsychologie, la psychologie de soutien - à modifier la vie de ces patients qui étaient condamnés aux traitements antidépresseurs et aux antalgiques forts avec leurs effets secondaires et les risques d’addiction. Le recours aux antalgiques reste encore nécessaire dans un nombre certain de cas. Le tramadol, l’Acupan per os semblent les plus constamment efficaces. Leur place est cependant réduite par les apports de la médecine physique.
3. Sur le plan social, la reconnaissance par la MDPH pour laquelle des arguments forts sont à fournir est souvent nécessaire pour l’inclusion scolaire, familiale et professionnelle.
Conclusion
Le syndrome polyalgique, proprioceptif, asthénique, fragilité de la peau, hypermobilité et hémorragique (PAPAFHH), ne doit plus être considéré comme une rareté mais comme un diagnostic à discuter lorsque les symptômes formant son acronyme sont rencontrés. L’errance douloureuse avec ses conséquences personnelles et sociales doit cesser.
Le dépistage est aussi un devoir de santé publique et de prévention dans ce syndrome transmissible à leur descendance pour ceux qui en sont atteints.
*Consultation Ehlers-Danlos, Médecine Physique et Réadaptation, Hôtel-Dieu de Paris, 1 place du Parvis Notre-Dame, 75138 Paris Cedex 04
** 33 rue du château d’eau 91130 Marolles
Travail soutenu par la Fondation de France
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