Dialyse fréquente et morbimortalité

Des résultats favorables mais peu de preuves

Publié le 10/04/2014
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Dans les registres rétrospectifs la dialyse fréquente regroupe d’une part des personnes jeunes, motivées et à bon pronostic et d’autre part des patients en mauvais état clinique pour lesquels la dialyse fréquente est proposée en situation de sauvetage. Ce qui brouille le signal. «On attendait donc beaucoup des études contrôlées comparant dialyse conventionnelle à dialyse fréquente. Mais elles peinent à apporter des preuves solides en terme morbimortalité», résume T. Hannedouche.

Dialyse fréquente versus conventionnelle

Une étude intra-hospitalière randomisée nord américaine a comparé chez 245 patients la dialyse conventionnelle (3 x 3-4 heures/semaine) à la dialyse fréquente (6 x 2,5-3 heures/semaine). À 1 an, la morbimortalité a été jugée sur deux critères :

- décès ou variation de masse ventriculaire gauche;

- décès ou détérioration du score de qualité de vie.

Ils sont réduits de 40 et 30 % respectivement dans le bras dialyse fréquente (1).

«Cette étude testant à la fois une augmentation de fréquence, mais aussi de durée totale de dialyse, son interprétation est délicate, commente T Hannedouche. D’autant que les critères sont atypiques, en particulier la masse ventriculaire gauche étroitement liée à la volémie. Enfin le prix à payer a été un excès de complications au niveau des accès vasculaires (RR = 1,7). »

Fin 2103, le suivi à deux ans des 100 sujets survivants et non greffés de la cohorte initiale a relancé le débat (2). «Après être repassés à la dialyse conventionnelle, les sujets issus du bras dialyse fréquente ont eu une mortalité réduite de 40 % par rapport aux autres durant cette seconde année. Un résultat surprenant à prendre avec précaution (biais potentiels) dans l’attente d’une publication détaillée », note T Hannedouche. Faut-il cependant évoquer un effet mémoire de la dialyse fréquente ?

Une seconde étude menée chez des sujets dialysés à domicile a testé 3 x 6 heures versus 6 x 6 heures nocturnes. «Cette étude a volontairement augmenté à la fois la fréquence et la durée des séances. Or, sur le même critère de jugement - décès et volume ventriculaire gauche- il n’est observé aucune différence à un an. Ce qui interpelle, même si l’étude manque de puissance (seulement 87 patients inclus).»

Dialyse fréquente et à domicile

«Aujourd’hui on a des signaux plutôt favorables à la dialyse fréquente. Mais on manque encore de preuves solides. Les registres prospectifs qui se mettent en place pourraient à l’avenir éclairer le débat. En attendant, la dialyse fréquente est aussi un moyen de motiver les patients à choisir la dialyse à domicile», selon T. Hannedouche. En France, moins de 5 % des dialysés sont traités à domicile, contre 50-60 % en centre hospitalier et 35-45 % en unités de dialyse médicalisée ou d’autodialyse.

D’après un entretien avec le Pr Thierry Hanndouche, hôpital civil de Strasbourg

(1) The FHN Trial Group. N Engl J Med 2011;363:2287-2300

(2) GM Chertow et al. American Society f Nephrology 2013 (abstract)

(3) M V Rocco et al. Kidney International 2011;80:1080-91.

Pascale Solère

Source : Bilan spécialistes