« C’est quand même osé de se plaindre… Quel drama, ces professions médicales… Pauvres petites choses fragiles… » les réseaux sociaux abondent ces dernières semaines de messages hostiles aux médecins.
Les débats sur la proposition de loi transpartisane visant à réguler l’installation des médecins et le mouvement de contestation des blouses blanches font l’objet de nombreuses prises de position sur les réseaux sociaux. Les avis s’affrontent parfois violemment en ligne… véhiculant une image du médecin qui peut heurter ceux qui ont prêté le serment d’Hippocrate.
Le « doctor bashing » est ainsi devenu monnaie courante : sur les réseaux, dans la presse, et jusque dans les échanges familiaux comme l’évoque le Pr Paul Frappé, médecin généraliste et président du Collège de la médecine générale. « Pas besoin d’aller sur les réseaux sociaux pour entendre des messages de ce type. Même pendant les repas de famille, les médecins ont la vie dure », confie-t-il.
Ce phénomène, certains soignants l’estiment amplifié par certaines postures politiques. « Les médecins engagés politiquement, ceux qu’on voit sur les plateaux télé, sont parfois complètement hors sol », partage un généraliste installé à Saint-Agrève, en Ardèche qui a tenu à garder l’anonymat. « Quand on voit notre ancien ministre de la Santé, Olivier Véran, qui pendant des mois a répété aux médecins qu’il fallait travailler, se retrousser les manches, puis choisit de s’orienter vers la médecine esthétique, il n’est pas étonnant que la population réagisse. » Le neurologue a finalement renoncé à cette carrière.
Ce n’est pas drôle d’exercer quand on est pointé du doigt comme étant, quelque part, la source des problèmes des patients
Installé depuis six ans et travaillant en moyenne 50 heures par semaine, ce médecin ardéchois garde néanmoins une certaine distance : « Je ne suis pas sur les réseaux sociaux, qui je pense alimentent beaucoup ce genre de commentaires. Mes proches voient que je travaille. Les patients nous soutiennent ». Du côté du Pr Paul Frappé, le ressenti est plus amer : « Ce n’est pas drôle d’exercer quand on est pointé du doigt comme étant, quelque part, la source des problèmes des patients. Je pense que la réaction de certains médecins montre à quel point leur métier leur tient à cœur ».
Ces propos sont corroborés par Anaïs Werestchack, jeune médecin qui effectue des remplacements dans les déserts médicaux, souvent ciblée sur son compte Instagram personnel : « C’est décourageant. Tout le monde fait médecine, plus ou moins, par vocation. Ce métier est tourné vers l’humain. Quand on entend qu’on ne fait rien et qu’on est égoïste, ça fait vraiment mal. »
Une réalité différente
Et les médecins de souligner qu’eux aussi subissent la situation des déserts médicaux. « Aucun médecin n’a plaisir à refuser des patients en tant que médecin traitant, ni à se sentir contesté dans certains discours, reprend le Pr Frappé. Aujourd’hui, la vraie difficulté n’est pas tant d’avoir un médecin près de chez soi, que d’obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables. Les patients ont du mal à trouver un médecin dans les délais qu’ils souhaitent. Et c’est la même chose pour de nombreux autres professionnels de santé : kinés, ophtalmos, dermatologues… »
Une autre facette de la réalité demeure souvent méconnue : celle des communes qui tentent d’attirer les médecins avec des « cadeaux » et entretiennent indirectement une image de médecins pourris gâtés. « Des collectivités ont dépensé leur budget pour construire des maisons de santé… Qui restent vides, faute de la venue d’un médecin. Il y a eu méprise », explique le Pr Paul Frappé. Sans compter que le profil des médecins a changé, avec leur choix d’exercice. Les médecins s’installent à condition que leur conjoint ait aussi du travail et ont plus besoin d’accompagnement, plutôt que d’un cabinet gratuit. « Le conjoint n’est plus la secrétaire du médecin. La profession s’est féminisée, et aujourd’hui, le médecin veut, lui ou elle aussi, aller chercher ses enfants à l’école, conclut Paul Frappé. Voilà une réalité que les patients acceptent parfois difficilement ».
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