À l'origine de la pétition qui a réclamé l'ajout au Code de déontologie médicale d'un article explicitant l'interdit sexuel entre médecin et patient, le Dr Dominique Dupagne, médecin généraliste, revient sur ce qu'il qualifie d'« avancée » et de « message fort ».
LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Au départ, comment se sont déroulées les discussions avec le conseil national de l’Ordre des médecins ?
Dr DUPAGNE : Nous sommes partis d’un mauvais pied en demandant la création d’un nouvel article dans le Code de déontologie avec un libellé laconique et ferme, stipulant l’interdit de toutes relations sexuelles entre un médecin et un patient dont il a la charge. Cette formule laissait la porte ouverte à des relations avec d’anciens patients. L’Ordre nous a d’abord expliqué que la modification du Code est extrêmement longue et lourde. Mais il est resté dans une logique de dialogue, de même que nous étions dans une logique de collaboration avec l’Ordre. Nous sentions dans sa nouvelle équipe une modernité qui se traduit notamment par son usage des réseaux sociaux et son implication rapide dans les phénomènes de société.
Nous avons prévenu l'Ordre un mois avant le lancement de la pétition. Nous ne cherchions pas à le faire plier, mais à le stimuler. Fin 2018, il nous a fait cette proposition de modification des commentaires en nous expliquant leur valeur jurisprudentielle.
Comment cette modification va-t-elle changer les choses ?
C’est un message fort. Alors que les textes des articles sont souvent très vagues, les commentaires expriment la doctrine de l’Ordre. C’est là qu’est précisé le sens qu’il faut donner aux articles. Cela n’a pas de valeur juridique réelle mais une valeur extrêmement forte, malgré tout. L’avocat défendant une victime pourra arguer que l’Ordre lui-même considère qu’une relation avec un patient vulnérable est un abus de faiblesse. Le psychiatre, comme c’est souvent le cas, ne pourra plus revendiquer une relation entre adultes consentants.
Cet ajout s’accompagne de la création d’une page dédiée aux victimes sur le site de l’Ordre. S'agit-il d’un autre message fort ?
C’est une excellente chose en effet. Nous aurons une nouvelle réunion avec l’Ordre en avril à ce sujet. Le message est le suivant : si vous pensez avoir été victime d’une inconduite sexuelle, voici ce que vous devez faire et voici les organismes qui peuvent vous apporter du soutien. Il y a un véritable engagement de l’Ordre, qui remonte à bien avant le dossier du Canard enchaîné.
Ce nouveau commentaire satisfait donc vos demandes ?
Tout à fait ! Nous avions demandé plus, comme toujours… Nous souhaitions par exemple que la notion de signalement par les confrères soit dans le commentaire. Ou une démarche d'information semblable à celle initiée au Québec, fondée sur une plaquette destinée aux médecins.
Vous attendez-vous à des sanctions plus lourdes pour les médecins concernés ?
Je pense en effet que les jurisprudences vont s’alourdir, notamment concernant les abus de la part des psychiatres. Ce sont des actes graves qui ne devraient jamais échapper à une sanction lourde. Mais le but fondamental n’est pas tant de dissuader les rares prédateurs sexuels de notre profession que d'éviter aux femmes blessées et meurtries de s’entendre dire, comme c’est encore le cas, qu’elles vont briser une carrière.
Comment accueillez-vous les quelques réactions de rejet de certains de vos confrères sur les réseaux sociaux ?
Les commentaires négatifs ne sont pas représentatifs. Mais ces réflexions doivent être publiées. Des médecins pensent vraiment que si on leur retire la possibilité d’avoir des relations sexuelles avec leurs patientes, ils ne pourront fréquenter personne. Finalement, l’Ordre est aujourd’hui plus moderne que sa base. Il est en avance pour faire bouger les lignes. Pour les médecins dont la conjointe est une ancienne patiente, qu’ils se rassurent : si elle n’a pas porté plainte et qu’elle n’était pas vulnérable, ils ne craignent rien. Les possibilités existent pour ne pas rentrer dans le cadre strict de l’Ordre. La limite, c’est la relation sexuelle avec un membre de sa patientèle, d’autant plus si c’est une personne vulnérable.
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