Ses travaux sur l’alpélisib dans le syndrome de Cloves avaient été récompensés par le prix Galien en 2022 ainsi que par le premier Prix Line Renaud-Loulou Gasté en 2019. Le Pr Guillaume Canaud, néphrologue à l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), poursuit ses recherches sur les thérapies ciblées dans les maladies rares.
Dans The New England Journal of Medicine, son équipe co-coordonnée avec le Pr Laurent Guibaud, radiologue aux Hospices civils de Lyon, publie une étude d’efficacité du sotorasib, un anticancéreux inhibiteur de KRAS G12C, pour le traitement des malformations artérioveineuses (MAV) secondaires à une mutation du gène KRAS de type G12C. Les mutations KRAS avec gain de fonction sont fréquemment observées dans les MAV sporadiques, en particulier celles impliquant le réseau cérébral, mais la prévalence exacte n’est pas connue.
Pour les chercheurs, après le succès de l’alpélisib (utilisé dans le cancer du sein) dans le traitement du syndrome de Cloves et de la glomérulonéphrite proliférative, ces résultats mettent en avant « l’intérêt d’obtenir un diagnostic moléculaire pour ce type de maladies rares et la possibilité de repositionner des médicaments très ciblés développés pour d’autres indications ». L’étude est en partie financée par le European Research Council (ERC).
Le gène étant impliqué dans la croissance, la prolifération et la survie cellulaire, la mutation KRAS G12C est l’une des origines des MAV qui se manifestent par des connexions anormales entre les artères et les veines pouvant provoquer douleurs, hémorragies, insuffisance cardiaque, anomalies esthétiques ou encore compressions d’organe. Cette maladie évolutive influe sur la qualité de vie et le pronostic des patients et ne dispose d’aucun traitement médical.
Premiers résultats sur un modèle murin KRAS G12C
Le sotorasib est un traitement anticancéreux utilisé dans le cancer du poumon non à petites cellules avancé, présentant une mutation du gène KRAS, la mutation KRAS G12C. C’est donc cette protéine KRAS p.G12C que vise la thérapie ciblée développée par le laboratoire Amgen. L’équipe, ayant identifié la mutation chez deux patients adultes atteints de MAV, a souhaité tester l’efficacité du sotorasib dans un premier temps chez des souris porteuses de la mutation. Leur étude préclinique montre ainsi l’efficacité du traitement en prévention du développement de la MAV et sur l’amélioration de la survie.
Amélioration des symptômes dès 4 semaines
Par la suite, l’équipe a obtenu une autorisation d’utilisation du sotorasib par le laboratoire Amgen et une validation du protocole par l’Anses, et a administré le traitement aux deux patients (24 et 45 ans) chez qui la mutation avait été identifiée et pour lesquels il n’y avait plus de traitement possible.
Le premier patient âgé de 24 ans présentait une MAV sur le côté droit du visage depuis la naissance et avait eu 11 interventions endovasculaires qui avaient entraîné une cécité de l’œil droit et une maxillectomie homolatérale. Le traitement par sotorasib, à la dose de 960 mg par jour, s’est révélé efficace pour l’amélioration des symptômes dès 4 semaines : arrêt des saignements, diminution de la douleur et de l’asthénie, et amélioration esthétique. La MAV a présenté une réduction cliniquement significative dès 3 mois.
La patiente de 45 ans était atteinte d’une MAV de l’hémiface droite et de la cavité orale (en particulier de la langue) avec une extension à la trompe d’Eustache droite (otites à répétition). Le traitement s’est également accompagné d’une rapide amélioration des symptômes : cicatrisation d’ulcérations cutanées chroniques, récupération d’une surdité et diminution de la douleur. La MAV a diminué à 6 mois. Pour elle, la dose journalière a été réduite à 720 mg du fait de diarrhées de grade I.
À deux ans de suivi, l’équipe ne rapporte pas de résistance au traitement et annonce dans un communiqué vouloir réaliser d’autres études « sur un nombre plus important de patients ». De nouveaux champs thérapeutiques s’ouvrent, en particulier pour les MAV pour lesquelles ces médicaments pourraient être combinés à une prise en charge chirurgicale ou en radiologie interventionnelle.
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