Contrairement aux craintes initiales, le fait d'être atteint d'un cancer ne semble ni augmenter le risque d'infection par le Sars-cov-2 ni favoriser la survenue de formes graves par rapport à la population générale. C’est en tout cas ce que suggère l’étude d’épidémiologie descriptive en cours de soumission au Journal of the National Cancer Institute et prépubliée en ligne par l’institut Curie. Ses résultats corroborent une précédente évaluation menée uniquement sur des patientes atteintes de cancers du sein et rejoignent un premier retour d’expérience rassurant présenté par Gustave-Roussy au congrès de l’AACR fin avril.
Une bonne nouvelle souligne le Dr Paul Cottu, chef adjoint du département d’oncologie médicale de Curie, « d’autant plus fondamentale qu’au début de la pandémie, on s’attendait honnêtement à des catastrophes, craignant que nos malades ne soient plus à risque parce qu’immuno-déprimés ». Le 14 mars, le Haut conseil de la santé publique (HSCP) considérait en effet le cancer, particulièrement chez les malades sous chimiothérapie ou opérés depuis mois de trois mois, comme un critère de vulnérabilité majeur. Cette position s’appuyait alors sur les deux seules études chinoises existantes, publiées dans le Lancet Oncology et Annals of Oncology, qui outre un certain nombre de biais, ne portaient que sur de petits effectifs (30 patients).
200 patients étudiés
Pour construire sa cohorte prospective de 200 patients, tous cancers confondus, l’institut Curie a constitué une base de données dédiée. Type de cancer, antécédents médicaux, traitements en cours, mais aussi âge, poids, comorbidités… « médecins et chercheurs ont alimenté la base de données au jour le jour, en temps réel, de façon aussi exhaustive que possible », explique Paul Cottu, en spécifiant pour chaque patient quelle était la présentation initiale du Covid et son diagnostic (symptômes, biologie, imagerie). Chaque patient infecté, qu’il soit traité en ambulatoire ou hospitalisé a ainsi fait l’objet d’un suivi actif 28 jours. Spécialité de Curie oblige, les cancers du sein représentent le groupe le plus important des patients qui ont ainsi été évalués (40 %), suivis par les cancers hématologiques et les tumeurs du poumon (13 % pour chaque groupe). 88 % suivaient un traitement anticancéreux et 69 % présentaient un cancer à un stade avancé, avec métastases.
Pas de surmortalité évidente
Les analyses cliniques, données d’imagerie et résultats des tests PCR révèlent que l’incidence du Covid, établie à 1,4 % dans la cohorte de patients de Curie « se situe dans le même ordre de grandeur qu’en population générale, souligne le Dr Cottu. Les caractéristiques cliniques du Covid étaient aussi similaires à ceux observés dans une population sans cancer et nous n’avons jusqu’ici pas observé de forme atypique. »
Surtout, « le taux de mortalité dans cette cohorte était similaire à celui de la population générale suggérant l’absence de surmortalité liée à l’infection au SARS-CoV-2 chez les patients atteints de cancer », indique l'institut dans un communiqué.
Même si ces données demandent à être consolidées, l'étude suggère en tout cas que « la gravité du Covid, entrainant complications ou/et décès dépend beaucoup plus de la sévérité de l’infection initiale, que de l’âge ou la pathologie cancéreuse du patient », enchérit le Dr Vincent Servois, radiologue à Curie. Le travail de quantification réalisé grâce à un outil logiciel sur les scanners des 70 premiers patients de la cohorte appuie cette conclusion : « Outre l’état général du patient, il apparaît que le facteur pronostic le plus péjoratif réside dans l’atteinte pulmonaire, dès lors qu’elle dépasse le seuil de 30 %. »
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque