Jusqu’à quel point peut-on s’adapter aux conditions de vie de plus en plus chaudes et humides sur la planète ? Les nouvelles ne sont pas très encourageantes. Des chercheurs de l’Université d’Ottawa montrent que les limites de la thermorégulation humaine à la chaleur extrême sont plus faibles que ce qui était admis jusque-là. Les auteurs confirment que le seuil de thermorégulation à des températures humides (avec air saturé en humidité) se situe entre 26 et 31 °C (comme le suggèrent des modèles récents), et non à 35 °C, une valeur largement médiatisée. Soit l’équivalent d’une température de 42 °C pour un taux d’humidité de 51 %. Ces résultats issus de tests cliniques sont publiés dans les Pnas.
Une information déterminante, alors que les températures augmentent dans le monde. « Des projections récentes suggèrent que des aires géographiques étendues expérimenteront bientôt une chaleur et une humidité excédant les limites de la thermorégulation », alertent les auteurs de l’étude. Dans ce contexte, s’occuper des conséquences du changement climatique sur la santé humaine devient une urgence.
En utilisant la technique dite des protocoles par palier thermique, l’équipe a exposé 12 volontaires à des conditions de chaleur et d’humidité afin d’identifier le point au-delà duquel la thermorégulation n’est plus assurée. Les participants étaient exposés jusqu’à 9 heures juste au-dessus et juste en dessous du point d’inflexion individuel estimé de la température corporelle (au-dessus de 37 °C). Ce point d’inflexion était déterminé principalement sur la température œsophagienne, mais aussi sur d’autres variables physiologiques (température rectale, température cutanée et rythme cardiaque).
La température corporelle augmente progressivement après le point d’inflexion
Pour ces expériences en laboratoire, les chercheurs se sont basés sur des études de 2023 suggérant que la thermorégulation ne s’effectue plus correctement au-delà de températures de chaleur humide avec un air saturé en humidité (Twb), au-dessus de 26 à 31 °C, « des valeurs considérablement plus faibles que le seuil théorique médiatisé de 35 °C », soulignent les auteurs. La chaleur humide est moins bien tolérée que la chaleur sèche, car le corps a plus de mal à se rafraîchir, la transpiration peinant à s’évaporer avec l’air saturé d’eau. Les valeurs limites tolérées de la chaleur humide sont ainsi plus basses.
Dans ce travail, pour chacun des 12 participants, les chercheurs ont d’abord fait varier l’humidité relative dans une chambre à climat contrôlé, en partant d’un taux d’humidité de 28 % qui était augmenté par palier toutes les dix minutes jusqu’à 70 %. Le point d’inflexion (température œsophagienne) était déterminé pour chacun.
Exposition prolongée aux valeurs limites
Ensuite, particularité de l’étude, lors de visites ultérieures, les participants étaient soumis à 1,3 °C au-dessus (Tabove) et en dessous (Tbelow) de leur Twb estimée individuellement, et ce jusqu’à 9 heures. Pour faciliter l’expérimentation, les chercheurs ont choisi de partir de l’équivalence avec une température de 42 °C (soit respectivement en moyenne avec 57 % et 45 % d’humidité). Ainsi au maximum les participants ont été soumis à une température de 42 °C avec 57 % d’humidité, une valeur extrême représentant un humidex d’environ 62 °C (l’indice humidex mesurant la chaleur ressentie dans un climat chaud et humide). Les patients passaient 9 heures dans la cabine, sauf si l’intervention était interrompue pour température rectale au-dessus de 39,2 °C ou symptômes liés à la chaleur ou demande d’arrêter.
« Les résultats étaient clairs, explique Robert Meade, premier auteur et postdoc à l’unité de recherche en physiologie humaine et environnementale de l’Université d’Ottawa. La température corporelle des participants montait continuellement et plusieurs n’ont pas pu aller au bout des 9 heures d’exposition ».
Les scientifiques ont observé que la température corporelle augmentait continuellement pour les Tabove mais aussi pour les Tbelow. Selon leurs projections, des températures corporelles associées à des accidents vasculaires liés à la chaleur (40,2 °C) seraient atteintes en 10 heures. Pour les Tbelow, le taux d’augmentation thermique était bien plus faible, puisqu’il faudrait > 24 heures pour atteindre 40,2 °C.
« La limite supérieure de thermorégulation est survenue à une Twb d’environ 32 °C (42 °C avec taux d’humidité de 51 %) parmi nos participants », écrivent les auteurs. Outre valider une technique utilisée depuis près de 50 ans et les chiffres scientifiques les plus récents, les résultats soulignent « l’effort physiologique vécu pendant l’exposition prolongée à la chaleur extrême, qui devient plus fréquent avec le changement climatique ». Alors que les villes se préparent à des étés plus chauds, ces données physiologiques couplées aux modèles climatiques peuvent guider les politiques de santé publique.
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