Comment améliorer et moderniser la surveillance épidémiologique en France ? Les chercheurs de Santé publique France (SPF) précisent les enjeux que doivent relever les systèmes d’information, à la lumière de l’héritage de la période du Covid-19, dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 5 novembre.
« Notre capacité à capitaliser sur les systèmes d’information déployés pendant la crise de la Covid-19 est cruciale pour moderniser plus généralement nos systèmes de surveillance de routine », écrivent dans l’éditorial la Pr Laëtitia Huiart, directrice scientifique de Santé publique France d’octobre 2020 à août 2024, et Caroline Alleaume, responsable à l’agence.
Si-dep, Si-vic, Vac-si, Surv-ESMS… La pandémie de Sars-CoV-2 a en effet vu s’inventer des outils plus précis pour suivre en temps réel la circulation virale et fournir des indicateurs fiables et actualisés quotidiennement. « La dimension inédite et la dynamique évolutive de la pandémie Covid-19 ont rendu cruciale la rapidité d’accès à de l’information fiable », lit-on. Mis en place en mai 2020, Si-dep (système d’information de dépistage populationnel) a recueilli systématiquement et de façon automatisée tous les résultats de tests (PCR, antigéniques) effectués quotidiennement par quelque 5 000 laboratoires publics et privés, ainsi que les professionnels de santé habilités. Si-vic (Système d’information pour le suivi des victimes), mobilisé dès mars 2020 a permis de connaître le nombre de personnes hospitalisées par pathologie. Vac-si découle de Vaccin Covid et constitue la base de données des vaccinations.
SPF s’est aussi appuyé sur le système Sursaud, préexistant à la crise, pour recenser les urgences (en ville ou à l’hôpital) et les décès, ou encore sur Surv-ESMS, pour la surveillance dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Au final, « SPF a progressivement rendu publics plus de 150 indicateurs par jour, produit des analyses qualitatives hebdomadaires, et a pu accompagner l’évolution des besoins en connaissances tout au long de l’épidémie », saluent les chercheurs de l’agence.
Automatisation de la saisie et interopérabilité des données
À la lumière de cette période inédite, les épidémiologistes insistent tout d’abord sur le fait que la surveillance doit reposer sur des données existantes et ne pas dépendre d’une seconde saisie spécifique par les professionnels de santé. Ce fut le talon d’Achille du dispositif Si-vic qui impliquait que les soignants inscrivent les informations dans une application ad hoc pour chaque patient. « Une saisie chronophage et fastidieuse, à un moment où les professionnels de santé devaient avant tout prendre en charge les patients », reconnaissent les auteurs. À l’inverse, Sursaud a comme principale force d’utiliser des données collectées en routine par les soignants pour leurs propres besoins.
L’alternative consiste en effet en l’utilisation secondaire de données déjà saisies dans le cadre de la prise en charge des patients. C’est le principe qui sous-tend le projet Orchidée (Organisation d’un réseau de centres hospitaliers impliqués dans la surveillance épidémiologique et la réponse aux émergences), lancé par Santé publique France en octobre 2024. Seront ainsi collectées au sein d’une base unique les données déjà existantes des entrepôts de santé hospitaliers (EDSH) de 25 CHU – avec la particularité de prendre en compte les hospitalisations conventionnelles, notamment en réanimation, et non seulement les urgences (déjà recensées via Oscour). Plus largement, les systèmes d’information doivent être intégrés aux dispositifs métiers des partenaires, suggère SPF.
Autre enseignement pour l’ère post-covid : le travail de pseudonymisation (essentiel pour la protection des données individuelles) doit être facilité, et les données issues des différents systèmes d’information doivent être interconnectées, ceci, grâce à l’utilisation d’identifiants. « Les systèmes d’information doivent être interopérables », est-il résumé. C’est notamment ce qui a pêché pour Vac-si : il a fallu attendre juillet 2021 pour que des appariements soient possibles avec Si-dep et Si-vic, à partir d’un pseudonyme commun pour la réalisation d’études d’efficacité vaccinale.
Vers une surveillance One health
Parmi les autres priorités, SPF insiste sur la pertinence de relier les informations socio-économiques aux données de santé, pour cibler plus précisément les actions de prévention selon les besoins des différentes populations.
Les systèmes de surveillance ont par ailleurs vocation à s’élargir à d’autres maladies que le Covid-19 : ainsi en est-il de Laboé-Si qui prend la suite de Si-dep, pour assurer la remontée des résultats des laboratoires de plusieurs agents pathogènes, y compris non infectieux. Ou encore de Sum’eau, dispositif de surveillance microbiologique des eaux usées.
Certains outils n’ont en revanche pas encore trouvé leur voie de pérennisation, comme Vac-si, qui ne permet pas de suivre les couvertures vaccinales en routine. Les plateformes d’open data Géodes (qui rassemble 800 indicateurs !) et InfoCovidFrance devraient aussi disparaître, au profit d’un unique portail, avec deux profils : l’un, grand public, permettra de naviguer intuitivement dans les indicateurs ; l’autre autorisera les experts à interroger les bases de données. Autant de chantiers qui nécessitent de nouvelles compétences en data engineering et data science, est-il souligné.
Enfin, SPF invite à intégrer dans les SI actuels et futurs des indicateurs issus d’autres secteurs (agriculture, alimentation, biodiversité, comportements…) pour se préparer aux nouvelles menaces dans le cadre d’une démarche One health (Une seule santé).
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce