Comment la crise sanitaire due au Covid-19 évoluera-t-elle ces prochaines années ? Telle est la question que s’est posée le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP), qui, dans un avis publié le 25 juillet, décrit cinq scénarios pour les trois à cinq ans à venir.
« Bien souvent (depuis le début de la crise liée au Covid-19), les décisions ont été prises en fonction de l’évolution d’indicateurs épidémiologiques, des données disponibles et de l’expertise scientifique avec un certain degré d’incertitude et peu de prise en considération de l’ensemble des autres déterminants environnementaux, sociaux, individuels, etc. », observe le HCSP dans son avis. Alors que plusieurs zones d’ombre persistent – « telles que l’évolution du virus, du niveau d’immunité acquise, des comportements individuels, du positionnement de la population dans un contexte cyclique, de la situation internationale, etc. » –, l’instance a été saisie par le Directeur général de la Santé (DGS) pour élaborer des scénarios prospectifs sur l’évolution de la crise sanitaire en adoptant une perspective plus globale.
Des scénarios pessimistes pour se préparer au pire
Dans ce cadre, « le HCSP a fait le choix de décrire des scénarios de crise, plutôt que de sortie de crise ». L’objectif : « pousser les choix politiques vers un investissement majeur dans l’anticipation et la résilience ».
Et pour élaborer ces scénarios de crise, le HCSP a recouru à une méthode « d’analyse morphologique ». L’instance a d’abord identifié diverses « variables structurelles », c’est-à-diredifférents éléments susceptibles d’impacter la trajectoire de la crise sanitaire : niveau de circulation du virus, réaction des populations aux mesures, vulnérabilités socialement différenciées, crise politique, crise économique, etc. Le HCSP a ensuite émis des hypothèses liées aux possibles évolutions de ces variables.
Une démarche qui a permis d'aboutir à la description de cinq scénarios, « qui pourraient être considérés comme pessimistes », reconnaît l’instance. Car ce travail n'a « pas vocation à décrire l’avenir tel qu’il sera mais (à) proposer un ensemble de futurs possibles, cohérents, pertinents et vraisemblables qui (…) doit pouvoir permettre au décideur de se préparer aux différents événements qui pourraient survenir et d’anticiper des risques majeurs », insiste le HCSP.
En fait, comme le relève l'autorité sanitaire, « on peut observer dans (tous ces scénarios) des tendances similaires, avec des degrés variés de gravité » : l’augmentation des inégalités de santé, la détérioration de la santé des populations, la baisse de la qualité de vie des Français, la crise du système de soins français, les enjeux de la santé mentale, l’enjeu pédiatrique.
De la vie avec le virus à l'ultra crise
➔ Premier scénario, qui compte parmi les plus moins alarmistes : « les Français ont appris à vivre avec le virus après plusieurs années de circulation de celui-ci ».
Face à des souches circulantes de SARS-CoV-2 relativement stables, la vaccination et les antiviraux ont globalement permis de réduire la gravité de la maladie et « la gestion des risques liée à la Covid-19 est devenue une affaire essentiellement de responsabilisation et de comportement individuels ».
Côté système de santé, « le Ségur de la santé a eu un impact positif sur le système hospitalier public et privé », et l’accalmie épidémiologique favorise « la reconstruction du système hospitalier ». Cependant, en ville, « les médecins généralistes et spécialistes libéraux gèrent les conséquences des retards de prise en charge des maladies chroniques, l’aggravation des comorbidités de leur patientèle (complications du diabète, de l’hypertension artérielle, cancers non détectés et découverts à un stade évolué...) et la gestion de Covid longs et plus généralement de maladies liées à l’exposition passée au SARS-CoV-2 ». La santé mentale de la population est par ailleurs critique, et également à prendre en charge. Ainsi, « les listes d’attente s’allongent », compliquant encore le recours aux soins en particulier dans certains territoires. Finalement, « l’impact économique (…) (est) important ».
➔ Scénario similaire : « la normalité de la crise ».
« Finalement sorti des dynamiques de grandes vagues épidémiques, le pays doit cependant composer avec un virus présent de manière endémique sur le territoire et susceptible de se réactiver occasionnellement (saisonnalité, souche mutante extraterritoriale). » Si les traitements et des campagnes de vaccination régulières, l’adhésion de la population aux mesures barrières, la restructuration à marche forcée de l’hôpital, etc. permettent de limiter les conséquences directes de la pandémie, « la répartition inégale des vaccins et des traitements à l’international entraîne des répercussions importantes » notamment sur les industries, d’où des pénuries de divers produits. « Ce qui affecte l’ensemble de la production, de la consommation et de l’économie française », avec des conséquences indirectes sur la santé. « On observe par exemple un accroissement des renoncements aux soins faute de pouvoir assumer le coût de transport dans les zones rurales. »
➔ Le HCSP envisage aussi des scénarios de crises plus critiques. Comme celui d’un « retour à une situation épidémique semblable à celle de mars 2020 ».
« Mais la population et les infrastructures sont épuisées par plusieurs années de tensions et restrictions », déplore l’instance, qui imagine un système de santé complètement débordé par le Covid-19, avec une « impossibilité de prendre en charge » nombre de patients, une défiance de la population et des professionnels vis-à-vis des pouvoirs publics, un fort impact économique, etc.
➔ Pire, le HCSP évoque aussi un scénario « d’ultra crise ».
Là, alors que la population et le système de santé sont aussi à bout de souffle, émerge un variant plus dangereux – plus transmissible, plus sévère, capable d’échapper aux vaccins et traitements disponibles – que la souche historique arrivée en France en 2020. D’où une morbimortalité très élevée, une sidération de la population, etc. « Face à cette situation, le pays se bloque rapidement », résume le HCSP.
➔ À noter que le HCSP mentionne aussi un scénario de « crise pédiatrique ».
Celui-ci serait susceptible de survenir en cas d’émergence d’un variant capable « d’engendrer des formes graves chez les enfants de moins de 12 ans », par ailleurs peu vaccinés.
Pour éviter les pires conséquences associées à ces scénarios, le HCSP émet une trentaine de recommandations, soit des « pistes d’actions » relativement générales, qui concernent la vaccination, la recherche et le développement, la structuration et l’organisation du système de soins, des initiatives locales, etc.
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