La Commission européenne a proposé le 20 septembre de renouveler pour dix ans l’autorisation du glyphosate dans l’UE, sous conditions. Alors que l'autorisation actuelle de l'herbicide, renouvelée en 2017 pour cinq ans et prolongée d’un an, arrive à échéance en décembre 2023, les États membres se réuniront le 22 septembre, avant un vote prévu le 13 octobre.
La décision de l’exécutif européen s’appuie sur les conclusions de l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui a rendu en juillet dernier son évaluation des risques associés à la substance active glyphosate pour l'homme, pour l'animal ou pour l'environnement. L’Agence n’a « pas identifié de domaine de préoccupation critique lors de son examen », indiquait-elle alors.
Des agences européennes favorables malgré l’avis du Circ
Cette nouvelle évaluation apporte « les mêmes résultats » que la précédente menée entre 2015 et 2016, mais elle a demandé « des ressources énormes aux États membres » rapporteurs de l’avis (France, Pays Bas, Hongrie et Suède), a souligné un haut fonctionnaire de la Commission, lors d’un point presse.
Le dossier examiné rassemblait 2 400 études, dont « plus de 700 » tirées de la « littérature publique », a-t-il ajouté. L'Efsa relève bien « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate, mais estime que le manque de données empêche toute conclusion définitive.
En 2022, l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) avait également procédé à une évaluation des dangers du glyphosate et jugeait que la substance ne présentait pas les critères scientifiques requis pour être classée dans la catégorie des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. La position de l’Efsa et de l’Echa a reçu le « soutien unanime » des 90 experts impliqués, insiste le haut fonctionnaire.
Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a pourtant classé l’herbicide comme « cancérogène probable » pour les humains en 2015 (certain pour l’animal) et le considère comme génotoxique. En 2021, une expertise collective de l’Inserm sur les pesticides concluait également que le glyphosate était associé à un risque accru de lymphome non hodgkinien avec un niveau de présomption « moyenne » de lien avec l’exposition professionnelle. Et, une « présomption faible » était évoquée pour d’autres surrisques comme le myélome multiple et les leucémies.
Des mesures d’atténuation sur la table
Pour le renouvellement, la Commission met néanmoins sur la table plusieurs « mesures d’atténuation ». Elle plaide pour la mise en place de « bandes tampons » de cinq à dix mètres autour des zones pulvérisées ou pour l’utilisation d’équipements réduisant les « dérives de pulvérisation ». Le recours au glyphosate pour la dessiccation avant récolte serait par ailleurs interdit. Certaines restrictions d’usage sont déjà en place dans certaines zones : les parcs ouverts au public et les espaces à proximité des écoles et des hôpitaux.
Alors que ce sont les États qui, in fine, accorderont les autorisations en fixant les règles d’usage selon les cultures, conditions climatiques et spécificités géographiques locales, la Commission leur soumet une série de « points d’attention » à prendre en compte.
Il s’agira notamment de fixer des teneurs maximales pour cinq impuretés importantes d’un point de vue toxicologique dans les matériels techniques, d’examiner les co-formulants, composant les herbicides, d’évaluer l’exposition des consommateurs aux résidus potentiels (rotation des cultures) ou encore de veiller à la protection des eaux souterraines et des petits mammifères herbivores. Si des effets indirects sur la biodiversité sont observés, d’autres formes de désherbage (manuel ou mécanique) seront à privilégier.
Paris plaide pour un usage restreint
Malgré ces quelques garde-fous, la proposition de l’exécutif européen est jugée insatisfaisante par Paris, qui prône une « approche » plus restrictive : l'usage du glyphosate doit être restreint aux seuls usages pour lesquels il n'existe aucune alternative viable. « La France demande à ce que cette démarche soit harmonisée au niveau européen », a souligné le ministère de l'Agriculture.
En 2017, Emmanuel Macron s'était pourtant engagé à sortir du glyphosate « au plus tard » début 2021, avant de revenir sur sa promesse. Depuis, Paris s'est fixé comme objectif de sortir de l'essentiel des usages de ce désherbant. En 2020, l'agence sanitaire française Anses a annoncé des restrictions progressives pour son usage dans l'agriculture,son utilisation par les particuliers étant prohibée depuis 2019.
À l’issue des discussions entre États membres le 22 septembre, des « modifications » pourront être apportées à la proposition de la Commission avant le vote prévu en octobre, précise le haut fonctionnaire de l'institution. Seule une majorité de vote « contre » pourrait mettre fin à l'autorisation du glyphosate.
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