Au deuxième jour de la campagne de vaccination anti-Covid en cabinet, quelque 28 000 médecins généralistes volontaires ont pu commencer à administrer le vaccin AstraZeneca à leur patientèle de 50-64 ans jugée à risque. Le Dr Vanessa Fortané, qui exerce à Bury (Oise), dans une zone semi-rurale, en fait partie. Deux pharmacies, dont une pour l’EHPAD, et sept médecins participent au bon fonctionnement de la stratégie vaccinale voulue par le gouvernement sur son territoire.
« Concrètement, j’ai une liste établie par l'Assurance maladie et des filtres par âges et comorbidités. Ma secrétaire appelle les patients, leur propose ma plage de vaccination et nous fixons ainsi les rendez-vous. J’ai la chance d’avoir du personnel : en plus de ma secrétaire, j’ai une infirmière Asalée et une étudiante en médecine dont je suis maître de stage. C’est ce travail d’équipe qui me permet d’être sereine aujourd’hui. »
Le réfrigérateur dans son cabinet lui permet de conserver le flacon du vaccin AstraZeneca. « Nous avons toutefois investi dans un thermomètre pour vérifier la température », précise-t-elle.
« Pour les cinquante premiers vaccinés, c’est facile. Ce sont mes patients, je les connais bien. Hier, j’avais une fiole, donc j’en ai vacciné dix. J’en vaccinerai vingt la semaine prochaine et trente celle d’après. Il s’agit de mes patients, ceux que je connais, atteints de comorbidités. Le seul souci est la tranche d’âge : ceux de plus de 65 ans sont très demandeurs. »
Une question de logistique, pas de médecine
Dans son cabinet, situé dans un des anciens foyers de contaminations du Covid-19, la patientèle de Vanessa Fortané est plutôt demandeuse. « Si nous avions 60 millions de doses, nous vaccinerions tout le monde ! C’est une question de logistique, pas de médecine. J’attends le vaccin Pfizer pour les plus de 65 ans. Si nous vaccinons trois millions de personnes par semaine et que nous tenons le rythme, je pourrais peut-être partir en vacances cet été ! »
Mais pour la médecin généraliste, hors de question de systématiser la vaccination. « Je fais clairement la promotion du vaccin, mais si mes patients ne le veulent pas, tant pis. Je suis réfractaire aux argumentaires complotistes qui circulent mais je comprends que certains veulent se faire vacciner après leurs congés. »
Si quelques questions sur les effets secondaires du vaccin sont inévitables, les patients font confiance à leur médecin traitant, qui, selon elle, fait toujours office de référence. « Cela ajoute juste cinq minutes de discussion à chaque consultation, ce qui n’aide pas à être ponctuelle », lâche la médecin en riant.
Trois petits jours pour s'organiser
À plusieurs centaines de kilomètres de là, à Miniac-Morvan, dans l’ouest de la France, l’heure est aux préparatifs pour le Dr Marie Brosset et pour les trois autres médecins qui travaillent dans son cabinet. Cet après-midi à 14 h 30, elle doit vacciner avec l’aide de deux infirmières ses premiers patients, sur une plage de deux heures prévue à cet effet.
Informée vendredi 19 février au soir, par un mail du ministère des Solidarités et de la Santé de la possibilité de recevoir un premier flacon pour commencer à vacciner dès jeudi 25 février, la généraliste et ses collègues ont dû faire preuve de réactivité : « Nous nous sommes réunis lundi pour réfléchir à la question, dans les 48 heures qui ont suivi, nous avons dû donner une réponse. » Convaincus par la nécessité de vacciner, les quatre praticiens se sont finalement accordés pour y répondre favorablement.
« Il faut les trouver, les 20 patients disponibles ! »
Mais entre les difficultés à identifier les patients éligibles à la vaccination par AstraZeneca, la complexité à se préparer au cabinet et à s’organiser pour récupérer les doses auprès des pharmaciens, les jours qui ont suivi cette décision n’ont pas été de tout repos. « Tout a été fait dans l’urgence ! Nous avons eu trois jours pour nous organiser et prévenir les patients cibles, et il faut les trouver, les vingt patients ! Nous en avions quelques-uns en tête mais encore faut-il qu’ils soient disponibles et partants. Hier soir encore, j’ai fixé mes derniers rendez-vous pour éviter de gâcher des doses. »
En effet, pour éviter à tout prix les pertes, les médecins doivent redoubler d’organisation : « Nous n’avons pas de frigo, heureusement nous travaillons avec la pharmacie juste en face du cabinet. Une fois la plage de vaccination de deux heures réalisée nous irons remettre le flacon dans le frigo de la pharmacie pour pouvoir continuer demain. » Et également faire preuve d’un peu de souplesse : « J'ai élargi un peu la cible de patients, j’ai par exemple accepté de vacciner une patiente de 48 ans atteinte d’un diabète de type 1 car je n’avais personne d’autre de disponible. »
« Je pense que je ne pourrais pas vacciner »
À côté des médecins déjà engagés et ceux volontaires pour le faire, une part non négligeable de généralistes n'ont pas encore franchi le pas de la vaccination. En premier lieu car ils peinent à trouver des patients éligibles, comme l'illustrent deux praticiens ayant témoigné sur legénéraliste.fr. « Grosse galère et incroyable perte de temps pour recruter les patients éligibles ! Donc si le pharmacien a plus de succès que moi, je n’y vois aucun inconvénient, bien au contraire ! », déclare ainsi le Dr Éric R.
Un avis partagé par le Dr Yves R : « Je pense que je ne pourrais pas humainement vacciner mes patients, alors que je croule sous les demandes de soins ordinaires, ne sait plus où donner de la tête, travaille même sur mes jours de repos, en visites ou téléconsultations. Alors trouver dix plages de consultations de vaccinations en six heures, garder les patients en observation pendant quinze minutes sans qu'ils ne se croisent, je crois que techniquement, ce sera impossible. »
10 000 généralistes désengagés la 2e semaine
Alors que le nombre de médecins généralistes inscrits à la deuxième semaine de campagne de vaccination est en chute nette par rapport à la première (-10 000 soit 18 000 médecins de famille inscrits selon le chiffre communiqué par la DGS au Généraliste), le défi sera de pérenniser la stratégie vaccinale et d'apporter aux médecins le soutien nécessaire leur permettant de vacciner sans pour autant être débordés.
Plusieurs solutions sont évoquées comme l'élargissement du public prioritaire au-delà des 50-64 avec comorbidités (même si pour l'heure les autorités, officiellement, s'y refusent). Ou encore l'autorisation confiée aux pharmaciens de vacciner qui devrait intervenir en mars, a annoncé Olivier Véran. Si sur le papier elle irrite certains syndicats de médecins libéraux, dans les faits, cette option n'est pas rejetée par l'ensemble des généralistes.
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