La neuroprotection fait l’objet de recherches dans les maladies neurodégénératives, et la sclérose en plaques (SEP) ne fait pas exception. Mais si les perspectives thérapeutiques dans la sclérose latérale amyotrophique, la maladie de Parkinson ou encore la maladie d’Alzheimer se dessinent au travers d’essais cliniques, comme l’ont rappelé les journées de neurologie de langue française 2024*, elles s’ébauchent tout juste dans la SEP. Aujourd’hui, quelques équipes dans le monde, dont celle du Pr Bruno Stankoff à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), s’attellent à identifier les molécules candidates pour la neuroprotection dans la SEP.
« La sclérose en plaques est caractérisée par une composante neurodégénérative forte, ce qui rend les stratégies de neuroprotection très intéressantes dans cette pathologie », introduit le Pr Bruno Stankoff pour le Quotidien. La neuroprotection est un concept assez vaste qui regroupe toutes les stratégies thérapeutiques pouvant contribuer à protéger les neurones au long cours, c’est-à-dire à empêcher la dégénérescence, l’accumulation du handicap non réversible et la progression de la maladie. « Elle est souvent opposée aux traitements qui ciblent l’inflammation, sachant que l’inflammation en ell6e-même est délétère et que par conséquent traiter l’inflammation est neuroprotecteur, car elle va au-delà en prévenant la progression de la neurodégénérescence », ajoute le neurologue.
Gaine de myéline, microglie, souffrance neuronale
En neuroprotection, les mécanismes de neurodégénérescence que les chercheurs ciblent sont liés, soit à l’environnement neuronal, soit au neurone lui-même. « Dans la SEP, cela sera soit la destruction de la gaine de myéline ou encore l’activation de certains processus gliaux, soit la souffrance neuronale », expose le Pr Stankoff.
Une des stratégies prometteuses vise ainsi à protéger la myéline ou à la réparer. « La gaine de myéline protège le neurone des agressions extérieures, mais elle le soutient aussi sur le plan nutritif et métabolique, et restaure ses fonctions », détaille-t-il. D’autres éléments de l’environnement neuronal font partie des pistes envisagées comme l’activation de certains processus gliaux, notamment au niveau des cellules microgliales, ces cellules inflammatoires résidentes du cerveau.
Contre la souffrance neuronale, des médicaments modulateurs de la trophicité ou de l’activité neuronale sont à l’étude. « Ce sont des stratégies plus classiques de neuroprotection où des cascades dans le neurone sont activées et le protègent de certains mécanismes oxydatifs, inflammatoires, etc. ». Au total, une quarantaine de molécules seraient ainsi à l’étude à travers le monde.
Le profil de risque individuel pourrait être établi sur le mécanisme prédominant – inflammation ou neurodégénérescence – et les capacités de remyélinisation
La stratégie de la remyélinisation
Un essai de phase 2 multicentrique, l’essai Modif-MS, évalue l’intérêt de l’ifenprodil, un médicament repositionné après avoir été caractérisé en laboratoire comme ayant de multiples effets sur les cellules remyélinisantes. « Cette molécule permet d’amplifier la population de cellules myélinisantes (les oligodendrocytes, NDLR) en les faisant proliférer et en les poussant vers la différenciation, et donc la myélinisation », explique le neurologue co-investigateur principal de l’étude. C'est ce que l’équipe a ainsi pu démontrer in vitro et in vivo dans différents modèles expérimentaux.
En parallèle, l’équipe s’intéresse à rechercher de nouveaux biomarqueurs d’imagerie (TEP et IRM). « Nous avons un design assez intéressant, car nous caractérisons la capacité des sujets à se réparer spontanément, et nous évaluons également l’efficacité du médicament contre placebo, ajoute le Pr Bruno Stankoff. Nous aurons donc la réponse de l’efficacité du traitement, mais aussi du profil de patient idéal pour un tel médicament. » Cet essai, soutenu notamment par le réseau FCRIN4MS, est en cours de recrutement pour évaluer l’efficacité contre placebo dans la restauration des capacités visuelles. Il est prévu d’inclure 60 patients en phase précoce.
Selon le Pr Stankoff, d’ici quelques années des outils plus performants permettront de réaliser des profils de risque avancés (IRM et marqueurs sanguins) : « Le profil de risque individuel permettrait de définir la stratégie à adopter en identifiant les patients avec un mécanisme prédominant d’inflammation ou de neurodégénérescence ou bien ceux ayant des capacités de remyélinisation plus grandes ». Enfin, le spécialiste insiste sur l’importance d’une intervention le plus tôt possible pour protéger le système nerveux et réduire le handicap, voire l’éliminer. « Il est plus difficile d’inverser le processus lorsqu’il est avancé. Nous pourrions espérer un effet important dans des formes précoces de la maladie », explique-t-il.
*Lire le « Quotidien » n° 10027 du 17 mai 2024
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